Accueil > Journal > 2011 > “Do ut des” et “Do si das”
  • Ce texte se réfère principalement
    aux notions suivantes

Glossaire


Haut de page

2011

“Do ut des” et “Do si das”

Dominique TEMPLE | Septembre 2011

Lors de la campagne électorale pour la Présidence de la République Française en l’an 2007, le représentant de la Droite, Monsieur Nicolas Sarkosy de Nagy-Bocsa choisit de se référer à Sénèque, théoricien de la réciprocité des dons, avec le « je donne pour que tu donnes », do ut des, subjonctif impliquant une obligation d’ordre moral.

Le slogan de Sénèque fut la phrase maîtresse des trois interventions télévisées de plus forte audience de la campagne, celle de l’investiture, celle du duel, et celle du triomphe. En martelant à chacune de ses interventions télévisées : « J’ai tout reçu de la France, il est temps que je lui rende tout ce que je pourrai lui redonner », Nicolas Sarkosy de Nagy-Bocsa instituait un contrat de réciprocité. Le do ut des, rappelons-le, instaure un commandement éthique d’une efficience infaillible ! Il crée une obligation morale à laquelle nul ne peut déroger sans perdre la face.

La candidate de la Gauche, Madame Ségolène Royal, défendit son programme avec le slogan « donnant-donnant », le do si das latin : l’indicatif précise que l’un ne cède que si l’autre cède de façon à respecter le strict intérêt de chacun des partenaires, soit le principe du libre-échange. Le donnant-donnant de la candidate socialiste, qui se référait à l’idéologie défendue en France par le sociologue Pierre Bourdieu, ignore toute obligation morale, au nom du libre-arbitre. Pourtant cette liberté de choisir entre le bien et le mal à sa convenance n’a d’efficience que pour autant que chacun est en mesure de faire face à autrui, ce qu’aurait pu permettre l’allocation universelle inconditionnelle, mais à celle-ci fut substituée l’allocation conditionnelle car la bourgeoisie n’entend pas se laisser déposséder du privilège de négocier les conditions du travail salarié en position de force.

Lorsqu’ils étaient en difficulté, chaque candidat répétait : nous n’avons pas les mêmes valeurs ! Ils se reconnaissaient pourtant les mêmes valeurs, mais ils ne les présentaient pas dans le même ordre. Entre la responsabilité, la justice, la liberté, la sécurité, la solidarité..., l’un voudrait donner la priorité à la sécurité et à la liberté, alors que l’autre la donnerait à la solidarité et à la justice.

La question est-elle de confronter des valeurs constituées, invoquées selon l’idéal de chacun des protagonistes, ou de fonder des valeurs qui soient des références communes pour tous ?

Le débat démocratique consiste-t-il à disputer quelle valeur doit dominer les autres selon les circonstances, la justice ou l’amitié, la responsabilité ou la solidarité ou à choisir quelles matrices doivent être instituées pour produire les valeurs éthiques, et à définir la territorialité nécessaire à chacune de ces matrices ?

*

Pour citer ce texte :

Dominique TEMPLE, "“Do ut des” et “Do si das”", 2011, Septembre 2011, http://dominique.temple.free.fr/reciprocite.php, (consulté le 28 mars 2024).

Haut de page