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Idéologie marxiste et Théorie moderne de la réciprocité. Critique des thèses de Alvaro Garcia Linera

6. L’idéologie marxiste contre Marx

Dominique Temple | 2010

Résumé :
L’idéologie marxiste soutenue par Staline, Althusser, Balibar, Meillassoux… édulcore la pensée de Marx.
*
  

Que le physique et le biologique dominent le psychique et la réciprocité se réduira à la combinaison des forces productives en vue d’une croissance organique.

Cette subordination du psychique au biologique ne peut cependant se déduire de la théorie de Marx puisqu’il dénonce cette subordination comme effectivement réalisée par le système capitaliste, et il faut la présenter contradictoirement à la thèse qu’il défend de la libération de l’humanité de tout a priori idéologique.

Déterminisme et libération de l’humanité se côtoient dans les textes de Marx, mais dans quel ordre et dans quel sens ?

Le déterminisme économique est résumé dans l’Avant-propos de la Critique de l’économie politique :

« Voici, en peu de mots, le résultat général auquel j’arrivai et qui, une fois obtenu, me servit de fil conducteur dans mes études. Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s’élève un édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. À un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en collision avec les rapports de production existants, ou avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors, et qui n’en sont que l’expression juridique. Hier encore formes de développement des forces productives, ces conditions se changent en de lourdes entraves. Alors commence une ère de révolution sociale. (…)
Cette conscience s’expliquera plutôt par les contrariétés de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les forces productives sociales et les rapports de production. Jamais une société n’expire, avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir ; jamais des rapports supérieurs de production ne se mettent en place, avant que les conditions matérielles de leur existence ne soient écloses dans le sein même de la vieille société [1]. »

On remarquera que ce n’est pas seulement à partir des “forces productives matérielles” que Marx fait émerger la conscience mais à partir de leurs “contrariétés”, du conflit des “forces productives sociales” selon les relations que les hommes nouent entre eux. Et cette relation entre eux peut prendre plusieurs configurations, ce qu’il ne précise pas. Mais, surtout, ce texte précise un objectif que Marx vient tout juste de rappeler :

« Mes recherches aboutirent au résultat que voici : les rapports juridiques, pas plus que les formes de l’État, ne peuvent s’expliquer ni par eux-mêmes, ni par la prétendue évolution générale de l’esprit humain ; bien plutôt, ils prennent leurs racines dans les conditions matérielles de la vie que Hegel, à l’exemple des Anglais et des Français du XVIIIe siècle, comprend dans leur ensemble sous le nom de “société civile” ; et c’est dans l’économie politique qu’il convient de chercher l’anatomie de la société civile [2]. »

Son dessein est donc de reprendre l’étude de l’économie politique à partir d’observations concrètes, en l’occurrence celles du système capitaliste, et non pas à partir de principes généraux comme le font les “économistes”.

Dans une lettre adressée à Mikhaïlovski, en novembre 1877, Marx se veut très clair :

« Le chapitre sur l’accumulation primitive [du Capital] ne prétend que tracer la voie par laquelle, dans l’Europe occidentale, l’ordre économique capitaliste est sorti des entrailles de l’ordre économique féodal [3]. »

Et il dénonce l’extrapolation que tente Mikhaïlovski :

« Mais c’est trop peu pour mon critique. Il lui faut absolument métamorphoser mon esquisse de la genèse du capitalisme dans l’Europe occidentale en une théorie historico-philosophique de la marche générale, fatale-ment imposée à tous les peuples, quelles que soient les circonstances historiques où ils se trouvent placés, pour arriver, en dernier lieu, à cette formation économique qui assurera, avec le plus grand essor du pouvoir productif du travail social, le développement le plus intégral de l’homme. Mais je lui demande pardon. C’est me faire en même temps trop d’honneur et trop de honte [4] ! »

Marx proposait un schéma explicatif du passage du féodalisme au capitalisme en Europe et s’en servait comme d’un exemple méthodologique. Il ne proposait pas un modèle pour le développement de toutes les sociétés… d’autant plus qu’il dénonce lui-même ce type de raisonnement qu’il attribue aux “économistes” qui conçoivent tout individu sur le modèle de l’individu d’une société de libre concurrence.

« Cet individu du XVIIIe siècle est un produit, d’une part, de la dissolution des formes de société féodales, d’autre part, des forces productives nouvelles surgies depuis le XVIe siècle. Aux prophètes du XVIIIe siècle – qui portent sur leurs épaules tout Smith et Ricardo – il apparaît comme un idéal dont ils situaient l’existence dans le passé [souligné par Marx]. Pour eux, il était non un aboutissement historique, mais le point de départ de l’histoire. C’est que, d’après l’idée qu’ils se faisaient de la nature humaine, l’individu est conforme à la nature en tant qu’être issu de la nature et non en tant que fruit de l’histoire. Cette illusion fut jusqu’ici le propre de toute époque nouvelle [5]. »

Plus loin :

« En revanche, dans la société, le rapport du producteur au produit, quand celui-ci est achevé, est extérieur, et le retour de l’objet au sujet dépend des relations du sujet avec d’autres individus [souligné par nous]. Il ne peut s’en saisir immédiatement. D’ailleurs, l’appropriation immédiate du produit n’est pas le but du sujet quand il produit dans la société. Entre le producteur et les produits intervient la distribution, [souligné par Marx] qui fixe, par des lois sociales, la part qui lui revient dans l’univers des produits, et se place donc entre la production et la consommation [6]. »

Quelle est la fin que se propose le producteur, quelles sont les lois sociales qui président à ce que Marx appelle ici la distribution, et qui signifient le mode de relation intersubjective des êtres humains ?

Ce qu’il faut entendre par les lois sociales oblige à définir quel type de relations sociales doit respecter la redistribution.

On ne peut faire l’impasse sur le mode de relation entre les hommes auquel est soumise non seulement la redistribution mais toute appropriation, et donc la mise en œuvre des forces productives. Que Marx n’ait étudié qu’un seul type de distribution (l’échange) se doit à ce qu’il s’inquiète essentiellement du système capitaliste, et si l’on veut étudier la production ou la consommation dans d’autres systèmes, il faudra d’abord se préoccuper de définir la relation qui produit les lois sociales instituées dans ces systèmes. Ici aussi on pourra dire que lorsque les forces productives changent, les rapports de production se modifient. Si dans un système d’échange, la houe est remplacée par le tracteur, le paysan risque fort d’être rapidement prolétarisé. Si dans un système de réciprocité, la houe est remplacée par le tracteur, se développera une coopérative d’utilisation de matériel agricole…

Que sont donc les lois de la relation ? Il n’y a de lois sociales différentes que parce que le principe de réciprocité se décline selon des structures différentes : la structure de réciprocité binaire collective, par exemple, le partage ; la structure de réciprocité ternaire centralisée, la redistribution ; la structure de réciprocité ternaire généralisée, le marché ; des structures sociales  (lire la définition) sans doute antinomiques entre elles qui ne pourront être accordées que lorsqu’il leur sera attribué institutionnellement des territorialités propres protégées par des interfaces  (lire la définition) .

Mais on rencontre ici une des simplifications les plus caractéristiques de l’idéologie marxiste : il n’existerait qu’une seule sorte de distribution, et par conséquent qu’une relation fondamentale entre les hommes : un rapport de forces, et qu’un seul type de rapports de production (subdivisé en cinq phases de développements [7]) qui détermineraient la pensée des hommes.

S’il n’existe qu’une seule relation fondamentale, l’histoire des hommes est totalement déterminée par le développement matériel des forces productives prisonnières de cette unique référence.

Mais encore ! Que veut dire “déterminer” ?

Le mot prend un sens bien différent selon ses interprètes. La conscience ne serait, selon l’idéologie la plus commune, qu’un reflet des forces de la nature : et, dans le système capitaliste, elle n’est plus que le reflet d’un rapport de forces. Voici comment le formule le “catéchisme” d’idéologie marxiste de l’Union Soviétique :

« S’il est vrai que la nature, l’être, le monde matériel est la donnée première, tandis que la conscience, la pensée est la donnée seconde, dérivée ; s’il est vrai que le monde matériel est une réalité objective existant indépendamment de la conscience des hommes, tandis que la conscience est un reflet de cette réalité objective, il suit de là que la vie matérielle de la société, son être, est également la donnée première, tandis que sa vie spirituelle est une donnée seconde, dérivée ; que la vie matérielle de la société est une réalité objective existant indépendamment de la volonté de l’homme, tandis que la vie spirituelle de la société est un reflet de cette réalité objective, un reflet de l’être [8]. »

Mais cette thèse appelle vie matérielle ce que la conscience appréhende de la nature à partir de la logique de ses représentations – en accord avec la physique mais qui fait l’impasse sur la plus grande partie du réel. Et ne sait-on pas que la conscience qui se nourrit de sentiments, en particulier de ceux qui donnent leur sens aux valeurs éthiques, n’obéit pas à cette logique ordinaire, qui a bien du mal à en rendre compte en termes de représentations symboliques.

Marx était révolté par l’injustice du système capitaliste : c’est contre l’exploitation de l’homme par l’homme qu’il a dirigé sa critique. Mais il n’a pas fait œuvre d’anthropologie. Il n’a pas étudié les systèmes de production de valeurs humaines, mais seulement le système de production de valeur d’échange.

Lorsque le système capitaliste colonisa la terre entière, se sont développées, avec la résistance des peuples agressés, des analyses d’abord cantonnées à l’application de la critique marxiste aux sociétés dites “indigènes” [9], puis de plus en plus respectueuses de leurs fondements, encore que ce ne soit qu’assez récemment que l’anthropologie parvienne à renverser les diktats des idéologies occidentales.

Il reste que pour Marx, l’étude anthropologique des sociétés par elles-mêmes doit décider de leur critique, et non pas un schéma prédéterminé par l’économie politique du système capitaliste.

« En produisant, les hommes ne sont pas seulement en rapport avec la nature. Ils ne produisent que s’ils collaborent d’une certaine façon et font échange de leurs activités. Pour produire, ils établissent entre eux des liens et des rapports bien déterminés : leur contact avec la nature, autrement dit la production, s’effectue uniquement dans le cadre de ces liens et de ces rapports sociaux [10]. »

Aurait-il commis l’erreur de proposer un schéma général ou universel de ces rapports sociaux, comme le soutiennent des auteurs anti-marxistes ?

Il prend au contraire la peine de récuser lui-même cette hypothèse, comme l’a relevé Jean-Louis Prat dans « Marx et l’imaginaire [11] ».

Marx écrit en effet dans Le Capital :

« Les économistes ont une singulière manière de procéder. Il n’y a pour eux que deux sortes d’institutions, celles de l’art et celles de la nature. Les institutions de la féodalité sont des institutions artificielles, celles de la bourgeoisie sont des institutions naturelles. Ils ressemblent en ceci aux théologiens, qui, eux aussi, établissent deux sortes de religions. Toute religion qui n’est pas la leur est une invention des hommes, tandis que leur propre religion est une émanation de Dieu. En disant que les rapports actuels – les rapports de la production bourgeoise – sont naturels, les économistes font entendre que ce sont là des rapports dans lesquels se crée la richesse et se développent les forces productives conformément aux lois de la nature. Donc ces rapports sont eux-mêmes des lois naturelles indépendantes de l’influence du temps. Ce sont des lois éternelles qui doivent toujours régir la société. Ainsi il y a eu de l’histoire, mais il n’y en a plus [12]. »

Ce texte est tiré de Misère de la philosophie (1847), ouvrage dirigé contre Proudhon, et Marx se cite donc lui-même dans une note du Capital [13]. Autant dire qu’il tient à ce que l’idée demeure une référence !

Jean-Louis Prat observe également :

« Une lecture naïve du Capital (…) pourrait nous faire croire que Marx établit lui aussi des lois universelles, et tout d’abord celle qui définit la “substance” de la valeur marchande à partir du temps de travail. C’est d’ailleurs la lecture qui s’est imposée dans la Vulgate marxiste, et qui a pu s’appuyer sur de nombreux textes, antérieurs au Capital, comme la Préface de 1859, ou postérieurs à lui, dans les commentaires d’Engels. Mais la lecture que Marx autorise lui-même, c’est celle d’un professeur russe d’économie, qu’il se plaît à citer dans la Postface du Capital : celui-ci, comme Marx, se refuse à penser que “les lois générales de la vie économique sont unes, toujours les mêmes, qu’elles s’appliquent au présent ou au passé. C’est précisément ce que Marx conteste ; pour lui ces lois abstraites n’existent pas (…). Les vieux économistes se trompaient sur la nature des lois économiques, lorsqu’ils les comparaient aux lois de la physique et de la chimie. Une analyse plus approfondie des phénomènes a montré que les organismes sociaux se distinguent autant les uns des autres que les organismes animaux et végétaux” [14]. »

En citant cet auteur qui redit ce qu’il dit, Marx se cite encore lui-même : c’est une façon de souligner de nouveau que si interprétation il doit y avoir de ses textes, la bonne interprétation est celle qui récuse que les analyses tirées de l’étude du système capitaliste soient applicables aux autres systèmes économiques.

Cependant, note Marx, c’est à partir de l’élaboration théorique de la forme la plus développée que l’on peut comprendre les formes qui l’ont précédée, et pas l’inverse.

« Les virtualités qui annoncent dans les espèces animales inférieures une forme supérieure ne peuvent au contraire être comprises que lorsque la forme supérieure est elle-même déjà connue. Ainsi l’économie bourgeoise fournit la clé de l’économie antique, etc. Mais nullement à la manière des économistes qui effacent toutes les différences historiques et voient dans toutes les formes de société la forme bourgeoise. On peut comprendre le tribut, la dîme, etc., quand on connaît la rente foncière ; mais il ne faut pas les identifier. En outre, comme la société bourgeoise n’est elle-même qu’une forme contradictoire de l’évolution, certains facteurs appartenant à des formations sociales antérieures ne se retrouveront en elle que tout à fait étiolés ou même travestis [15]. »

Mais, le fait qu’une forme développée puisse reconnaître dans celles qui l’ont précédée les potentialités qu’elle a su actualiser ou les débris des structures qu’elle a dû détruire, témoigne qu’un système initial possédait sa potentialité, mais en aucun cas qu’il ne possédait que celle-ci.

« La prétendue évolution historique repose en général sur le fait que la dernière formation sociale considère les formes passées comme autant d’étapes vers elle-même, et qu’elle les conçoit toujours d’un point de vue partial. En effet, elle est rarement capable – et seulement dans des conditions bien déterminées – de faire sa propre critique [16]. »

Dans son article « L’utilité : un concept politique », Jean-Louis Prat [17] écrit :

« Comme l’observe Castoriadis, une théorie qui ramène l’histoire au développement des forces productives “ne parle pas de l’histoire en général, elle ne parle que de l’histoire du capitalisme. Dire, en effet, que les hommes ont toujours cherché le développement le plus grand possible des forces productives, et qu’ils n’ont rencontré comme obstacle que l’état de la technique ; ou que les sociétés ont toujours été “objectivement” dominées par cette tendance, et agencées en fonction d’elle, c’est extrapoler abusivement à l’ensemble de l’histoire les motivations et les valeurs, le mouvement et l’agencement de la société actuelle – plus exactement, de la moitié capitaliste de la société actuelle. L’idée que le sens de la vie consisterait dans l’accumulation et la conservation des richesses serait de la folie pour les Indiens Kwakiutl qui amassent les richesses pour pouvoir les détruire ; l’idée de rechercher le pouvoir et le commandement serait de la folie pour les Indiens Zuni, chez qui, pour faire de quelqu’un un chef de la tribu, il faut le battre jusqu’à ce qu’il accepte. Des “marxistes” myopes ricanent lorsqu’on cite ces exemples qu’ils considèrent comme des curiosités ethnologiques. Mais s’il y a une curiosité ethnologique dans l’affaire, ce sont précisément ces “révolutionnaires” qui ont érigé la mentalité capitaliste en contenu éternel d’une nature humaine partout la même”. (C. Castoriadis, L’institution imaginaire de la société (1975), pp. 35-36). »

Et Jean-Louis Prat commente :

« Bien entendu, la pensée de Marx ne se réduit pas à l’idée que toute l’histoire humaine est déterminée par le développement des forces productives, et à la conscience cynique d’une société où, à moins de cultiver des illusions rétrogrades, tout être rationnel devrait régler sa conduite sur un calcul des avantages et des inconvénients auxquels il lui faut s’attendre. Il y a certes chez Marx, et surtout chez ses épigones, une tendance à tout expliquer par le jeu des intérêts économiques, mais ses meilleurs textes sont ceux où il démasque la pseudo-rationalité du calcul utilitariste [18]. »

Lorsque Marx analyse les rapports humains en rapports de forces, ce n’est pas qu’il les considère comme rapports de forces, mais parce qu’il constate qu’ils sont transformés en rapports de forces par le système capitaliste.

Pour ce qui est du travail humain, il ne le conçoit pas comme une dynamique de l’énergie physique, comme une actualisation du principe de Carnot Clausius, mais comme une dynamique de la vie, c’est-à-dire l’actualisation d’un principe inverse qui ne sera formulée en physique que beaucoup plus tard (le principe de Pauli), (actualisation nommée par le physicien autrichien Erwin Schrödinger : néguentropie [19] (antonyme d’entropie) dans son ouvrage : Qu’est-ce que la vie ? (1944).

De son temps, Marx comme les meilleurs économistes, Ricardo, Smith, etc., ne pouvait qu’affirmer que le travail humain est créateur d’une valeur qui ne préexiste sous aucune forme, irréductible à la somme des forces physiques engagées pour la produire. Mais la réduction de la vie, du travail vivant, au travail mort, à la force mécanique, voilà ce qu’il dénonçait avec plus de précision qu’aucun autre !

Et c’est pourquoi il peut estimer que la distribution quelle qu’elle soit est toujours dynamisée par la production, car il a défini préalablement la production comme la vie.

« Le rapport de la distribution avec la production qu’elle détermine est sans doute un problème qui entre dans le cadre de la production elle-même [20]. »

Lorsqu’il analyse la consommation, il constate que l’homme qui travaille consomme ses forces, et il appelle cette consommation la consommation productive. Par contre, lorsque l’homme consomme la nourriture qui lui est nécessaire pour reconstruire ses forces, il l’appelle consommation proprement dite (ou consommation vraie) et puis production consommatrice afin de souligner le dynamisme moteur : la production (en termes biologiques : l’anabolisme), et il note l’antagonisme de l’une et de l’autre.

Il est vrai que le système capitaliste obéit à des lois naturelles, celles d’un système vivant : l’incessant développement de formes nouvelles grâce à la mobilisation de la totalité des forces disponibles est comparable au métabolisme d’un organisme. La croissance est ainsi une condition vitale du système capitaliste comme elle l’est pour tout organisme biologique. L’idée de croissance indéfinie du matérialisme capitaliste est connexe de la croyance que l’homme est voué à se reproduire comme être vivant et que la pensée est au service de la vie. La nature extérieure au vivant n’est dès lors appréhendée que sous son aspect physique afin d’être transformée en matière vivante par le travail vivant.

La thèse de Marx défend le travail vivant en dépit du fait que les biologistes de l’époque de Marx jusqu’à nos jours ne soient que des physiciens de la vie (Jacob, Monod, Prigogine et même Changeux), aucun d’eux n’ayant reconnu dans le Principe de Pauli le fondement de la logique de la vie. C’est donc une forte intuition qui permet à Marx de définir le travail comme l’expression de la vie. Du temps de Marx, ceux qui eurent une intuition de la contradiction des deux matières (physique et biologique) ne parvinrent pas à dépasser l’idée d’un principe vital [21]. Il était à plus forte raison inimaginable à l’époque de Marx de séparer la vie biologique de la vie de l’esprit. Pour Marx, elles vont de pair. Il était alors impossible de séparer la vie biologique comme hétérogénéisation, différenciation, organisation de la matière, et la vie de l’esprit comme la relativisation mutuelle de l’énergie physique et de l’énergie biologique, c’est-à-dire comme une troisième matière-énergie : l’énergie psychique. Il faudra, pour élargir les concepts de base de la science, le débat entre Bohr et Einstein, puis le succès de la mécanique quantique, la découverte des neurosciences et la résolution de l’interface entre le psychique et le quantique, et enfin le principe du contradictoire [22].

Pour Marx, le travail parce qu’il est vie humaine est créateur du sujet humain. Il ne devient travail forcé, mutilé de la liberté et du bonheur de se réaliser comme pleinement humain que lorsqu’il est inféodé par certaines relations sociales qui se définissent par les notions de force et de pouvoir (pouvoir de domination) dans le système capitaliste. Libre, le travail ne serait cependant pas réductible à la capacité de l’abeille de construire sa ruche car le travail est, précise Marx, pensé par le cerveau humain. Le vivant et le pensant sont donc non pas confondus mais associés :

« La nature ne construit ni locomotives, ni chemins de fer, ni télégraphes électriques, ni machines automa-tiques, etc., ce sont les produits de l’industrie humaine, des matériaux naturels transformés en organes de la volonté humaine pour dominer la nature ou pour s’y réaliser. Ce sont des organes du cerveau humain créés par la main de l’homme (souligné par Marx) ; c’est la puissance matérialisée du savoir. Le développement du capital fixe montre à quel point l’ensemble des connaissances (knowledge) est devenu une puissance productive immédiate [23]. »

Enfin, le travail est travail social, c’est-à-dire qu’il dépend de la relation de réciprocité qui fait que le travail engendre le bien commun.

Mais voici la façon dont on interprète Marx dans l’idéologie marxiste :

« Mais alors, quelle est donc, dans le système des conditions de la vie matérielle de la société, la force principale qui détermine la physionomie de la société, le caractère du régime social, le développement de la société d’un régime à un autre ? Le matérialisme historique considère que cette force est le mode d’obtention des moyens d’existence nécessaires à la vie des hommes, le mode de production des biens matériels : nourriture, vêtements, chaussures, logement, combustible, instruments de production, etc., nécessaires pour que la société puisse vivre et se développer [24]. »

On peut considérer que l’obtention de biens matériels est un minimum pour une existence décente sans pour autant réduire la vie à la survie, mais c’est à une telle réduction de la vie à la survie que procède l’idéologie marxiste : la vie ne mobilise plus les moyens matériels pour construire la vie sociale, politique, spirituelle, c’est-à-dire d’abord les rapports que les hommes nouent entre eux. Cette vie sociale, le mode des relations entre les hommes et l’être humain comme sujet sont au contraire déterminés par le mode de production des biens matériels, et celui-ci étant un rapport de forces, ils deviennent aussi des rapports de forces.

C’est dès l’origine du marxisme que l’on trouve cette réduction, comme l’ont observé Althusser et Balibar. Étienne Balibar la dénonce chez Engels lui-même, qu’il cite :

« Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate. Mais, à son tour, cette production a une double nature. D’une part, la production de moyens d’existence, d’objets servant à la nourriture, à l’habillement, au logement, et des outils qu’il nécessite ; d’autre part, la production des hommes mêmes, la propagation de l’espèce. Les institutions sociales sous lesquelles vivent les hommes d’une certaine époque historique et d’un certain pays sont déterminées par ces deux sortes de production : par le stade de développement où se trouvent d’une part le travail, et d’autre part la famille. Moins le travail est développé (…), plus aussi l’influence prédominante des liens du sang semble dominer l’ordre social [25]. »

Étienne Balibar conteste l’utilisation du mot production pour celui de procréation, et l’application à la procréation du modèle technologique des forces productives.

Et il renvoie en note aux travaux de Meillassoux [26].

Mais quelle articulation Balibar propose-t-il pour revenir au “matérialisme historique” ?

« Dans des structures différentes, l’économie est déterminante en ce qu’elle détermine celle des instances de la structure sociale qui occupe la place déterminante (souligné par Balibar). Dans le mode de production capitaliste, il se trouve que cette place est occupée par l’économie elle-même ; mais dans chaque mode de production, il faut faire l’analyse de la “transformation” [27]. »

Et de suggérer :

« Peut-être vaudrait-il mieux, et plusieurs anthropologues marxistes s’y essayent, montrer comment le mode de production dans certaines sociétés “primitives” ou “d’autosubsistance” détermine une certaine articulation de la structure sociale où les rapports de parenté déterminent jusqu’aux formes de transformation de la base économique [28]. »

C’est une telle transformation que tente Meillassoux lorsqu’il veut montrer que des relations de pouvoir soumettent les rapports de parenté aux intérêts d’une classe dominante.

On doit cependant reconnaître que Althusser, Balibar, Rancière, Establet, Macherey, Godelier, Meillassoux… etc., tentaient de “sauver” le marxisme de son interprétation la plus réductrice, stalinienne, et libéraient au moins comme terra incognita des systèmes “indigènes” mais sans leur accorder aucune espérance de vie car ils suggéraient que le système capitaliste subsumait toutes les formes sociales ou les réinterprétait selon ses principes, de sorte que la lecture de l’histoire demeurait rivée à un processus unique, celui de l’économie primitive conçue comme production et reproduction de la vie immédiate, et à l’analyse du système capitaliste et de son seul dépassement par le socialisme.

Il y a certes progrès par rapport à Engels et Staline, mais il est mince, ce dont témoigne cette confession de Gérald Berthoud :

« Je faisais en effet partie de ceux – très nombreux alors – qui croyaient disposer enfin d’une authentique science sous la forme du matérialisme historique. Avec celui-ci nous étions assurés de dégager les lois de fonctionnement et de transformation des sociétés. (…) La contribution de Balibar, intitulée de façon très explicite Sur les concepts fondamentaux du matérialisme historique (1965), jouait un rôle clé. Le chercheur pouvait affronter toute réalité humaine à partir d’un ensemble de concepts ordonnés comme “forces productives”, “rapports de production” et “mode de production”. Nous étions sommés de concevoir toute organisation sociale comme une combinaison de structures hiérarchisées de production matérielle et idéelle. (…) Nous disposions ainsi d’une sorte de guide-âne pour penser le social conçu comme un ensemble de “niveaux ou instances distincts et ‘relativement autonomes’ qui coexistent dans cette unité structurale complexe, en s’articulant les uns sur les autres selon des modes de détermination spécifiques, fixés en dernière instance par le niveau ou instance de l’économie.” (Althusser, 1965, II, pp. 43-44). Ma conviction de suivre une voie théorique solide était pleinement confirmée par le développement d’une anthropologie se réclamant des concepts fondamentaux de l’approche marxiste. Plusieurs anthropologues français, parallèlement à la théorisation althussérienne, n’hésitaient pas à voir dans le matérialisme historique la possibilité d’élaborer une théorie générale de toutes les formations sociales présentes et passées. Parmi ces représentants d’une anthropologie dite marxiste, le plus notoire était sans conteste Maurice Godelier [29]. »

Il ne s’agissait pas pour les marxistes français d’interpréter tous les rapports humains comme des rapports de production matériels, mais il n’en reste pas moins qu’ils estimaient que la transformation des rapports humains par l’instance économique, où tout est compté en rapports de forces matérielles, réduit ces rapports humains à une fonction économique matérielle.

Soutenir cette thèse à partir d’une conception holiste de l’organisation des forces productives, tel est le projet du biomarxisme. Álvaro García Linera [30] suit la méthode althussérienne précisée par Balibar et illustrée par Meillassoux. Mais ce qui met en mouvement le rapport de forces, et ce qui définit le pouvoir comme pouvoir d’asservir en lieu et place du pouvoir de servir, c’est l’organisation complémentaire des forces productives selon le modèle des organismes vivants.

Sans doute Staline et Engels eussent approuvé les remarques d’Althusser, sans doute eussent-ils approuvé la thèse du biomarxisme car ils n’auraient pas eu de peine à interpréter la complémentarité des forces productives comme un rapport de forces :

« Si l’état des forces productives indique par quels instruments de production les hommes produisent les biens matériels qui leur sont nécessaires, l’état des rapports de production, lui, montre en la possession de qui se trouvent les moyens de production (la terre, les forêts, les eaux, le sous-sol, les matières premières, les instruments de production, les bâtiments d’exploitation, les moyens de transport et de communication, etc.) ; à la disposition de qui se trouvent les moyens de production, à la disposition de la société entière ou à la disposition d’individus, de groupes ou de classes qui s’en servent pour exploiter d’autres individus, groupes ou classes [31]. »

Selon l’idéologie stalinienne, les relations de forces auxquelles se réduisent les rapports entre les hommes sont à la base de toutes les sociétés du monde, et cela depuis l’origine…

« Sous le régime de la commune primitive, la propriété collective des moyens de production forme la base des rapports de production. Ce qui correspond, pour l’essentiel, au caractère des forces productives dans cette période, les outils de pierre, ainsi que l’arc et les flèches apparus plus tard, ne permettaient pas aux hommes de lutter isolément contre les forces de la nature et les bêtes de proie. Pour cueillir les fruits dans les forêts, pour pêcher le poisson, pour construire une habitation quelconque, les hommes étaient obligés de travailler en commun s’ils ne voulaient pas mourir de faim ou devenir la proie des bêtes féroces ou de tribus voisines. Le travail en commun conduit à la propriété commune des moyens de production, de même que des produits. Ici, on n’a pas encore la notion de la propriété privée des moyens de production, sauf la propriété individuelle de quelques instruments de production qui sont en même temps des armes de défense contre les bêtes de proie. Ici, il n’y a ni exploitation ni classes [32]. »

Le but de la production n’est pour Staline que matériel : la survie ou la vie biologique. Il faut dès lors nécessairement définir la communauté comme une coalition ou une organisation de forces. Cette vision mécaniciste se termine par :

« Les nouvelles forces productives exigent des travailleurs qu’ils soient plus cultivés et plus intelligents que les serfs ignorants et abrutis ; qu’ils soient capables de comprendre la machine et sachent la manier convenablement. Aussi les capitalistes préfèrent-ils avoir affaire à des ouvriers salariés affranchis des entraves du servage, suffisamment cultivés pour manier les machines convenablement [33]. »

Le stalinisme n’est pas le marxisme, mais pourquoi le marxisme a-t-il “engendré” le stalinisme ?

Certains marxistes ont cru que la réduction du travail vivant à un rapport de forces physiques donnait naissance à un système (d’échange), que Marx aurait considéré comme le système de l’économie humaine. Ce contresens a nourri un marxisme sectaire qui a imaginé des catégories dites “marxistes”, et qui les a appliquées à tous les systèmes économiques et à toutes les sociétés du monde, capitalistes ou pas. Dès lors, toutes les sociétés devaient s’interpréter à partir de rapports de forces et de pouvoirs de domination des uns sur les autres. Ici les vieillards constitueraient la classe exploiteuse et les jeunes gens la classe exploitée. Là les femmes domineraient les hommes ; ici les femmes seraient exploitées pour leur force de travail ou encore comme génitrices de forces de travail. Les marxistes althussériens ressemblent aux physiciens qui, pour appliquer envers et contre tout le théorème de l’addition des vitesses à la lumière par respect pour la mécanique de Newton, inventaient que l’éther, substrat présumé de la propagation de l’onde, devait se contracter ou se dilater, de façon à permettre que le théorème soit toujours vrai.

La détermination en dernière instance par l’économie joue le rôle magique de l’éther. Elle suppose que toutes les relations sociales soient de nature à subir une “transformation” comme la dilatation-contraction de l’éther. Elle postule leur unité de nature sous-jacente de leurs différentes fonctions : qu’elles sont des forces. Pour justifier des pratiques récalcitrantes à l’idéologie comme le chant, l’amour ou la danse, elle sera secourue par des prodiges : ici des filtres d’amour, là des visions religieuses ou des breuvages hallucinogènes. Des pratiques magiques deviendront nécessaires pour expliquer le passage d’un rapport de forces à un autre rapport de forces, au profit de la classe dominante.

Mais jamais rien n’est imaginé qui puisse relativiser la force ou la consumer et remettre en question le mode de production défini comme mode de production matérielle – et les rapports humains comme rapports de forces pour s’emparer des moyens de production.

Chez Marx, toutefois, cette idéologie est suspendue à une cause précise : le fétichisme.

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Lire la suite : chap. 7 La dérive idéologique de Meillassoux

Pour citer ce texte :

Dominique Temple, "L’idéologie marxiste contre Marx ", Idéologie marxiste et Théorie moderne de la réciprocité. Critique des thèses de Alvaro Garcia Linera, 2010, http://dominique.temple.free.fr/reciprocite.php, (consulté le 19 mars 2024).

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Notes

[1] Karl Marx, Œuvres, tome I Critique de l’économie politique, Avant-propos, éd. Gallimard, La Pléiade, op. cit., pp. 272-273.

[2] Ibid.

[3] Marx, Œuvres, tome II Appendice, III Textes divers, « Réponse à Mikhaïlovski », p. 1554.

[4] Ibid.

[5] Marx, Œuvres, tome I Introduction générale à la critique de l’économie politique, p. 236.

[6] Ibid., p. 247.

[7] « L’histoire connaît cinq types fondamentaux de rapports de production : la commune primitive, l’esclavage, le régime féodal, le régime capitaliste et le régime socialiste ». Histoire du Parti Communiste Bolchevik de l’U.R.S.S., Résumé édité par une commission du Comité Central du P. C. de l’U.R.S.S. (1938), Moscou, Éd. en Langues Etrangères, 1949, p. 137.

[8] Cf. Histoire du Parti Communiste, op. cit., p. 127. C’est alors que l’on extrapole de son contexte la phrase de Marx « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire, leur existence sociale qui détermine leur conscience » ; mais, pour étayer le matérialisme historique, il faut que l’on interprète “existence sociale” comme “vie matérielle”, et “déterminer” comme non pas “conditionner l’application de la pensée à” mais “produire la pensée”.

[9] Cf. Arghiri Emmanuel, L’échange inégal, Paris, Maspero, 1969.

[10] Marx, Œuvres, tome I Travail salarié et Capital, p. 212.

[11] Jean-Louis Prat, « Marx et l’imaginaire », Revue du M.A.U.S.S., n° 34, Paris, La découverte, 2009, pp. 385-395.

[12] Marx, Œuvres, tome I Misère de la philosophie, pp. 88-89, cité par J.-L. Prat, op. cit.

[13] Marx, Œuvres, tome I Le Capital, Livre premier, 1e section Marchandise et Monnaie, chapitre I La marchandise, p. 616 (notes).

[14] Ibid., p. 557, cité par J.-L. Prat, op. cit.

[15] Marx, Œuvres, tome I Introduction générale à la critique de l’économie politique, p. 260.

[16] Ibid.

[17] Jean-Louis Prat, « L’utilité : un concept politique », conférence prononcée en 1997 devant l’association Agora, à Orange, et publiée en ligne en 2009.

[18] Ibid.

[19] La néguentropie fut d’abord considérée par les physiciens comme une réserve d’entropie, une entropie potentielle ou non-actualisée car les physiciens n’imaginaient pas qu’elle puisse exister comme une dynamique inverse de toutes les forces qui obéissent au principe d’entropie, mais depuis la découverte du principe de Pauli (1925), la néguentropie a pris le sens de dynamique inverse de l’entropie, et l’on conçoit désormais non pas une mais deux matières. Il était pourtant évident que pour que la pomme tombe de l’arbre, il fallait d’abord que l’arbre élève la pomme en l’air et défie la force gravitationnelle. Chacun voyait bien que la vie défie la force physique, mais la vie restait mystérieuse au regard de la Physique parce que l’on ne parvenait pas à en donner ni principe ni lois d’un point de vue scientifique.

[20] Marx, Œuvres, tome I Introduction générale à la critique de l’économie politique, p. 250.

[21] Le principe vital des philosophes vitalistes n’était associé à aucune règle. Il était aussi inconsistant que l’idée d’ange ou de démon. Il ne préfigurait qu’intuitivement le principe de Pauli qui établit la modalité selon laquelle dans l’interprétation par la Physique des particules, la moitié de l’univers connu obéit à la statistique de Fermi-Dirac tandis que l’autre moitié de l’univers obéit à la statistique de Bose-Einstein. En d’autres termes, les fermions sont les constituants de la matière vivante parce qu’ils ont pour propriété intrinsèque de se diversifier les uns des autres de telle sorte que dans un système donné aucun d’eux ne puisse être défini par les mêmes nombres quantiques, tandis que les bosons (par exemple les photons) peuvent s’accumuler en aussi grand nombre possible dans le même état quantique (on peut aussi faire ici allusion au principe d’hétérogénéisation ou matérialisation de l’énergie, et principe d’homogénéisation ou dématérialisation de l’énergie).

[22] Cf. Stéphane Lupasco, Le principe d’antagonisme et la logique de l’énergie (1951), rééd. Monaco, Le Rocher, 1987.

[23] Marx, Œuvres, tome II Principes d’une critique de l’économie politique ou Grundrisse (1857-1858), p. 306.

[24] Histoire du Parti Communiste Bolchevik, op. cit., chap. IV-2, p. 132. Ouvrage rédigé par Staline présentant la théorie du matérialisme dialectique et historique comme le fondement scientifique du marxisme-léninisme.

[25] Engels, Origine de la famille… cité par É. Balibar, « Sur les concepts fondamentaux du matérialisme historique », in Louis Althusser & Étienne Balibar, Lire le Capital, tome II, Paris, Maspero, 1971, p. 111.

[26] Claude Meillassoux, « Essai d’interprétation des phénomènes économiques dans les sociétés d’autosubsistance », Cahiers d’études africaines, n° 4, 1960 ; et Anthropologie économique des Gouro de Côte d’Ivoire, Paris, Mouton, 1964.

[27] Balibar, « Sur les concepts fondamentaux… », op. cit.

[28] Ibid.

[29] Gérald Berthoud, « Avec Marx, malgré tout », Revue du M.A.U.S.S., n° 34, Paris, La découverte, 2009, p. 200.

[30] Álvaro García Linera, Forma valor y forma comunidad, La Paz, CLACSO - Muela del Diablo Editores - Comunas, Bolivia, 2009.

[31] Histoire du Parti Communiste Bolchevik, op. cit.

[32] Ibid.

[33] Ibid.