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janvier 2017

4. L’unité de la communauté et la thèse de Florestan Fernándes

Bartomeu Melià et Dominique Temple

Selon l’anthropologue brésilien Florestan Fernándes, le sacrifice serait un moyen de renforcer l’unité de la communauté. Le guerrier tupinamba se dévoue à la cause de l’un des siens tué par l’ennemi. Il se consacre à la réhabilitation de ce parent auquel il s’identifie grâce à leur “communauté mystique”. L’acte de vengeance est alors subordonné à la responsabilité de chacun vis-à-vis de cette unité mystique :

« Néanmoins, au fur et à mesure que le tueur se dévouait à la vengeance d’un certain ancêtre ou parent tué par les ennemis, ou qu’il cherchait à satisfaire son désir de “manger de la viande humaine”, il incarnait, présomptivement sa “personne”. Le processus d’identification, qui avait un fondement mystique, assumait ainsi une expression sociale. […]
L’acte de vengeance avait peu d’importance, en lui-même, dans les relations des sacrifiants avec les esprits, lesquelles conduisaient à l’objectivation du charisme. La vengeance constituait une obligation imposée par les notions tribales de responsabilité (collective), et son respect, au moyen du sacrifice de la victime, se rattachait au fonctionnement du système tribal de solidarité » [1].

La restauration de l’intégrité “mystique” aurait sa correspondance dans le réel : lorsque l’identité mystique était renforcée par la vengeance, l’unité du groupe des vivants se trouvait confortée par identification à l’entité mystique.

« La collectivité s’associait au processus de récupération mystique, parce que ce qu’il signifiait pour l’entité surnaturelle, signifiait aussi pour le groupe. Si celle-ci récupérait son intégrité, la collectivité récupérait la sienne. […] La collectivité avait besoin de participer du processus de récupération mystique, parce que seulement cette participation pourrait lui assurer une autonomie magique devant certain groupe hostile et lui fournir une domination magique effective sur lui » [2].

Pour Florestan Fernándes, l’anthropophagie n’est pas la redistribution d’une force spirituelle propre à l’ennemi et que le groupe assimilerait en le dévorant. Fernándes montre qu’en aucun cas les Tupinamba ne transfusent ou assimilent l’âme – la valeur de l’ennemi – à leur puissance spirituelle.

« Le “nom” acquis par le sacrifiant ne venait ni directement ni mécaniquement de la victime » [3].

Comment l’anthropophagie peut-elle signifier la redistribution d’une identité mystique après qu’elle ait été restaurée par le sacrifice ?

L’anthropophagie était la continuation du sacrifice, répond Fernándes, qui permettait à chacun de poursuivre l’exécution, la destruction, dit-il, du prisonnier jusqu’à son terme ultime, et cette destruction radicale était la manifestation d’une prise de pouvoir de toute la communauté sur l’ennemi qui à la fois consacrait la défaite de celui-ci et restaurait pleinement l’intégrité de la communauté. L’acte singulier du sacrifiant était accompagné par la participation solennelle de chacun au meurtre que prolongeait le repas cannibale.

« Le “parent mort” dont l’intégrité est rétablie en conséquence de la récupération mystique, faisait à nouveau partie de “notre groupe”, comme membre potentiel de la société des ancêtres mythiques et des aïeux ; l’unité mystique de “notre groupe” se reconstituait, en même temps que celle du groupe hostile se détériorait. L’anthropophagie, en reconduisant les dévorants à l’état d’autonomie magique, leur conférait domination ou pouvoir magique sur la collectivité ennemie. […] De sorte que, premièrement le canibalisme tupinamba avait une fonction religieuse : celle de promouvoir une modalité collective de communion directe et immédiate avec le sacré » [4].

La guerre et la vengeance seraient subordonnées à deux entités : l’unité mystique, l’identité spirituelle du groupe, l’autre surnaturelle, selon les Tupinamba, constituée des âmes retranchées par les meurtres ennemis. Ces deux entités préexisteraient à la réciprocité de vengeance et au sacrifice.

« Comme forme de relation intertribale, la guerre n’était pas la cause efficace d’un traitement réciproque, mais d’abord l’effet d’une application magico-religieuse du principe de réciprocité. […] Les rites de “destruction” des ennemis avaient pour fonction de rétablir les conditions d’eunomie sociale, ce qui se traitait, fondamentalement, à travers deux opérations ; 1) la satisfaction de la nécessité d’une relation sacrificielle des entités surnaturelles ; 2) la reconstitution de l’unité mystique de “notre groupe”. Tandis que la première opération possédait un caractère religieux (ou magico-religieux, conformément à l’interprétation de Frazer), la seconde avait un caractère magique, bien que son fondement fut strictement religieux » [5].

Ces deux opérations religieuse et magico-religieuse auraient eu donc un but très précis : restaurer et souder l’identité collective du groupe, identité essentiellement fondée par la réciprocité positive, la solidarité.

De même que la théorie fonctionnaliste interprète le mariage comme le moyen de transmettre entre apparentés l’identité du groupe, elle interprète la vengeance comme le moyen de protéger l’identité du groupe voire de la promouvoir.

« Entre ceux-ci, les deux principes caractérisés ci-dessus – la récupération mystique et le redistribution magique – expliquent une partie considérable de l’émergence et de l’actualisation des liens de solidarité sociaux » [6].

Il y aurait plus qu’un lien de subordination entre le sacrifice et la solidarité du groupe mais un lien direct, causal entre l’un et l’autre : la destruction de la victime serait un acte de solidarité puisqu’elle serait immédiatement une distribution de son corps, et puisque cette redistribution permettrait une participation collective aux rites : les observateurs ont tous noté comment femmes et enfants accueillaient le prisonnier par un simulacre de guerre et de vengeance, comment ils partageaient par anticipation le corps de la victime, chacun revendiquant un morceau précis en fonction de son statut social, et comment ils se scarifiaient également après ce simulacre pour acquérir un nouveau nom.

Florestan Fernándes confère donc au sacrifice et au repas anthropophage un rôle causal. Ils auraient pour effet immédiat de renforcer la cohésion du groupe. La destruction de l’ennemi serait complémentaire de la solidarité car on ne peut s’identifier que par opposition à l’étranger. Il y aurait opposition corrélative entre la solidarité du groupe et la destruction de l’autre.

« De toute façon, deux choses se prouvent par l’analyse interprétative : 1) qu’il y avait une liaison concrète entre les cérémonies de “destruction” des ennemis et le système tribal de solidarité sociale (distribution rituelle du corps de la victime entre parentèles et les obligations en résultant, quant à la manutention de l’esclave et à la compensation fixée) ; 2) la participation elle-même à ces cérémonies constituait une manifestation typique de solidarité sociale, comme réaction collective de défense de l’intégrité du groupe et comme une communion dans une unité sociale d’ordre mystique » [7].

On imagine aisément, selon cette thèse, que les pratiques magico-religieuses qui auraient pour effet d’isoler chaque groupe dans son unité mystique, puissent renforcer l’hostilité des uns vis-à-vis des autres. Il n’y avait pas d’issue à l’enchaînement de la guerre sauf que chacun était nécessaire à l’autre pour lui fournir des prisonniers. Cette nécessité tempérait peut-être les massacres. Il ne fallait pas anéantir autrui parce qu’il devait toujours procurer des victimes.

Les Tupinamba acceptaient en effet de se contenter de ne faire au cours d’un raid qu’un seul prisonnier. D’autre part, ils gardaient des prisonniers qu’ils sacrifiaient les uns après les autres, ce qui économisait les raids. Les combats et les cycles de vengeance pouvaient ainsi se stabiliser selon un rythme tempéré de réciprocité. Selon cette thèse, la réciprocité de vengeance est la dernière apparue de toutes les fonctions ordonnées à la promotion de l’identité spirituelle et physique du groupe. La réciprocité vient équilibrer les meurtres dans l’intérêt bien compris des uns et des autres. De même qu’elle gère les échanges de femmes dans le groupe selon l’intérêt de chaque groupe, la réciprocité gère les meurtres avec l’ennemi de façon à ce que la guerre ne conduise pas à un déséquilibre mortel entre les différentes communautés.

Florestan Fernándes propose l’idée que chaque communauté tupinamba dépendait pour survivre de la solidarité de ses membres. Cette solidarité collective aurait engendré l’“unité mystique” du “Notre Groupe”, un Tout indivisible et indestructible. Ensuite, lorsque l’ennemi portait atteinte à cette identité par un meurtre, la récupération de la vie retranchée était indispensable, d’où la vengeance.

Cette thèse implique qu’il existe une autre entité imaginaire, distincte de l’unité mystique et purement surnaturelle, constituée des victimes impatientes de réintégrer le corps “mystique” du groupe. Florestan Fernándes propose donc une distinction entre un monde imaginaire (et pour les Tupinamba “surnaturel”) où se retrouvent les esprits des défunts – esprits avec lesquels les chamans ont un commerce religieux –, et d’autre part une réalité mystique de la communauté (le “réel”, pour les Tupinamba) grâce à laquelle les vivants s’identifieraient aux défunts pour les venger. Le surnaturel des Tupinamba ne contient que les esprits tués par l’ennemi, assoiffés de vengeance. Le “mystique” inclut tous les membres du groupe, vivants et défunts. Avec les uns, on communique par magie, avec les autres par religion.

Le souci d’intégrité de l’unité mystique conduit donc logiquement à l’apparition de deux fonctions privilégiées : l’une dite magique qui assure la communion mystique du groupe, l’autre dite religieuse qui assure la communication avec le surnaturel.

Alfred Métraux confirme :

« Il est certain que les esprits exigeaient que des victimes fussent sacrifiées. Les hochets sacrés (maraca) étaient le siège des esprits. Or, ces hochets, lorsqu’ils étaient consacrés, “demandaient par le truchement des devins que les hommes aillent à la guerre pour capturer des ennemis car les esprits contenus dans les hochets avaient envie de manger de la chair des captifs” (cf. Staden) » [8].

Une autre interprétation

Mais faut-il partir des esprits pour expliquer les sacrifices, ou bien des sacrifices pour expliquer les esprits ?

La thèse de Florestan Fernándes soulève d’autres questions : si l’anthropophagie est une destruction ultime de l’adversaire, pourquoi le prisonnier revendique-t-il sa mort comme un suprême honneur ? Peut-il se contenter de l’assurance qu’il sera vengé à son tour ?

Hans Staden, qui assista à la première cérémonie rituelle consécutive à un raid guerrier, rapporte ce dialogue :

« Vous nous avez vaincus et enfermés, mais cela nous est égal. Les courageux meurent en terre des ennemis ; la nôtre (gent) est encore grande et les nôtres nous vengeront en vous ! » [9].

Il est fait allusion d’abord au prestige que donne au guerrier le fait de mourir par le sacrifice, et en second lieu, seulement, à la satisfaction d’être un jour vengé. Le prisonnier revendique même la mort.

« Il n’y a qu’une seule chose qui soit capable de l’affliger, principalement si c’est un grand guerrier : sçavoir est si celuy qui le doit massacrer n’a pas encore esté à la guerre, et si ce n’est point un “kerembaue” et “Tetanätou” (qu’ils appellent), c’est-à-dire un homme belliqueux, vaillant et grand guerrier comme luy, cela le fait désespérer et est infiniment fasché, estimant que c’est un grand affront qu’on luy fait et le plus grand des deshonneur qui luy puisse arriver : Mais quand il voit que c’est un brave guerrier, un “Kerembaue” et un “Tetanätou” ou “Taüäyue” qui vient pour le meurtrir et l’assommer, il ne se soucie point de mourir et croit que ce luy est un grand honneur » [10].

Le prisonnier est donc certain que la mort métamorphose sa vie réelle en valeur spirituelle sinon même en l’Esprit de la vengeance. Selon le principe de la conjonction entre le réel et l’imaginaire, que nous avons commentée jusqu’ici, le sacrifice engendre un esprit, et celui-ci appartient au prisonnier. Le prisonnier en mourant se métamorphose en Esprit de la vengeance. C’est en tout cas ce qu’il affirme dans le témoignage de Staden : les nôtres nous vengeront en vous…

Pour le sacrificateur, au contraire, le sacrifice est un acte, un meurtre qui, si nous lui appliquons nos catégories, doit être immédiatement conjoint à une conscience antagoniste, une “mort” dans l’imaginaire. Cette mort imaginaire, “sentiment de mourir” ou encore “perte d’une âme”, passe à son tour à l’acte : d’où la mortification du sacrificateur. Le sacrificateur est soumis aux mêmes lois que le guerrier meurtrier d’un ennemi. Sur ce point, les témoignages sont formels. Il se scarifie comme le meurtrier, jeûne, prend le deuil et obtient ainsi une nouvelle âme de puissance supérieure à l’ancienne.

Cependant, l’âme obtenue par la mortification du sacrificateur correspond au sacrifice du prisonnier, et non pas seulement au meurtre de l’ennemi. La différence est importante. Le prisonnier est le réceptacle de l’être social de la réciprocité de vengeance dans son unité, dans sa totalité. Le sacrifice n’est pas un meurtre ordinaire, il est le meurtre de celui qui est le réceptacle de l’être social tupinamba sous une forme indivise et non plus divisée.

Le sacrifice du prisonnier est donc au principe de l’Esprit de la vengeance. L’Esprit de la vengeance est un esprit “autonome” mais aussi collectif, indépendant du nom des guerriers. Pour la communauté ou son représentant, il faut encore se l’approprier, éviter qu’il ne s’enfuie et ne soit récupéré par le clan ennemi. On entre ici dans la sphère chamanique dont Staden dit seulement qu’elle était constituée de nombreuses cérémonies “curieuses”, et sur lesquelles malheureusement l’information est extrêmement réduite.

Seraient-ce ces rites mystérieux qui auraient laissé l’impression que les Tupinamba avaient peur de l’Esprit de la vengeance ? Auquel cas, il y aurait là une nouvelle raison de la contradiction des religieux et des chamans. Les Tupinamba s’opposeraient à ce que l’Esprit né du sacrifice humain puisse se constituer en toute-puissance hors de l’homme. Pour les chamans, cet esprit-là, il convient de s’en emparer avant qu’il ne se constitue en pouvoir absolu, laissant l’homme vide de “vertu vivifiante”… Au fond, il n’était pas question de laisser l’Esprit pur de la vengeance s’échapper hors de ses contingences humaines, non seulement parce qu’il aurait régné sur l’homme et sur la nature de façon despotique, mais parce que l’homme tupinamba veut être le réceptacle d’un tel esprit souverain, veut même devenir cet esprit souverain.

Le corps du prisonnier est dévoré par tous. Fernándes a raison de souligner que cette dévoration est une destruction totale. Une fois le corps du prisonnier détruit et consommé, il est impossible à l’Esprit de la vengeance de retrouver un réceptacle qui lui appartienne. Il est privé de demeure, et désormais les chamans peuvent le capturer. Mais Staden ne dit rien sur la façon dont ils s’en emparent pour leur compte sinon que seuls des personnages hors du commun peuvent y prétendre et procéder ensuite à sa redistribution.

Le chaman est un être à part qui néanmoins doit pouvoir communiquer sa puissance à tous. On sait qu’il emprisonne l’Esprit de la vengeance dans des calebasses, probablement des fac-similés de la tête humaine puisqu’il y dessine une bouche par où il fait entrer de la fumée de tabac (peut-être l’équivalent de la fumée du sacrifice) en même temps que des paroles sacrées.

Sans doute faut-il, pour interpréter ces calebasses-têtes, interroger d’autres traditions comme celles des réducteurs de têtes, pour qui la tête de l’ennemi devient le réceptacle de l’Esprit de la vengeance. Chez les Jivaros, par exemple, les têtes ennemies sont utilisées comme pièges pour capturer l’Esprit de la vengeance car lorsqu’il reconnaît son habitacle naturel, l’Esprit de la vengeance vient s’y loger. Aussitôt, les Jivaros ferment tous les orifices. L’Esprit de la vengeance est désormais à eux [11].

Si l’on ignore le rite de la capture chez les Tupinamba, la distribution de l’Esprit de la vengeance aux guerriers par le chaman qui l’a capturé est par contre illustrée par les précieuses indications de Hans Staden :

« Ils croient en une chose qui pousse comme une courge… Ils font ensuite un trou en forme de bouche et mettent de petites pierres à l’intérieur pour qu’elle sonne. Ils font sonner ceci quand ils chantent et dansent, et ils l’appellent “Tamaraka” […].
Seulement les hommes en ont, chacun a le sien. Il y en a parmi eux qu’ils appellent “Paygi”, qui sont considérés entre eux comme nous faisons des devins. Ceux-ci parcourent une fois par année tout le pays, de cabane en cabane, en assurant qu’ils ont avec eux un esprit qui vient de loin, de lieux étranges, et qui leur a accordé la faculté de faire parler tous les “tamaraka” qu’ils veulent et le pouvoir d’obtenir tout ce qu’on leur demande. Chacun prétend alors que ce pouvoir vient par son hochet, on fait une grande festivité, avec des boissons, chansons et prophéties, et ils pratiquent beaucoup de cérémonies curieuses. Ensuite, les devins fixent un jour pour une cabane, qu’ils ordonnent d’évacuer, et aucune femme ni enfant ne peut rester là à l’intérieur […]
Quand ils sont déjà tous réunis, lui-même prend les “tamaraka” un par un, les parfume avec une herbe appelée Bettin (le tabac). Ensuite, il porte le tamaraka à sa bouche, l’agite et lui dit : “Nee kora, parle maintenant et laisse-toi entendre, es-tu là à l’intérieur ?” ; […]
Ensuite, les devins leur ordonnent qu’ils aillent à la guerre et qu’ils rapportent des ennemis, parce que les esprits qui sont dans les “tamaraka” souhaitent manger de la viande de prisonniers ; on va alors à la guerre.
Une fois que le devin Paygi a transformé en idoles tous les hochets, chacun prend son hochet, l’appelle son cher fils, et il lui fait une petite cabane dans laquelle il doit demeurer. Il lui donne un repas et lui demande tout le nécessaire, comme nous faisons avec le véritable Dieu ; ceux-ci sont ses dieux.
Du Dieu vrai qui a créé le ciel et la terre ils ne se préoccupent pas et croient que c’est une chose très naturelle que le ciel et la terre existent. Ils ne savent non plus rien de spécial sur le début du monde » [12].

“Nee Kora”, l’expression ressemble trop à celle des Mbyá-Guaraní : “Ñe’e Porã”, pour ne pas la traduire selon les indications de León Cadogan :

« Ñe’eng, ñe’e : en guarani commun ‘ñ’e’ signifie langage humain, s’appliquant aussi au chant des oiseaux, au crissement de certains insectes, etc. ; ‘Ñe’e Porã Tenonde’ signifie : les premières belles paroles, v. g. les traditions et mythes “esotériques”, bien que pour désigner ces derniers, on emploie plus souvent la phrase ‘Ayvú Porã’. […] Il a cependant un autre signifié, v. g., celui de “partie divine de l’âme” ou “parole-âme”, et dans ce cas est prononcé ‘ñe’eng’, avec le son du ‘ng’ final anglais ou allemand, suivi d’une très brève nasale. ‘Ñe’eng’ est l’esprit que les dieux envoient pour s’incarner dans l’enfant prêt à naître » [13].

Les chamans transmettent à la bouche des calebasses-têtes le souffle des paroles sacrées de l’Esprit de la vengeance. León Cadogan traduisait “portion de l’âme divine” ou “âme-parole” sans doute parce qu’à l’origine, l’être social né de la réciprocité n’appartient à personne ; que l’âme divine est l’expression de l’être qui naît entre les uns et les autres, de l’être qui naît de leurs relations mutuelles de dons ou de vengeances. Mais il qualifie cette âme de “divine” peut-être pour une autre raison : il ne s’agit plus de l’âme singulière, du nom du guerrier, du tigre [14], mais de l’expression unitaire de l’être social.

Cet Esprit de la vengeance, né du sacrifice, est ici collectif, le même pour tous les membres d’une communauté de parenté ou d’alliance. Il est partagé, réparti par le chaman dans les Tamaraka de chacun des membres du groupe, d’où l’expression de Staden de “dieux” (au pluriel) “ceux-ci sont ses dieux”, et celle de León Cadogan “portions de l’âme divine”.

  

Lire la suite : 5. La théorie de la réciprocité et la tradition Tupinamba.

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Notes

[1] Texte original : “Ora, à medida em que o matador se devotava a vingança de determinado ancestral ou parente morto pelos inimigos, ou que procurava satisfazer o seu desejo de “comer carne humana”, êle próprio encarnava, presumìlvelmente, a sua “pessoa”. O processo de identificação, que tinha um fundamento místico, assumia assim uma expressão social. (...) O ato de vingança tinha pouca importância, em si mesmo, nas relações dos sacrificantes com os espíritos, as quais conduziam à objetitivação do carisma. A vingança constituía uma obrigação imposta pelas noções tribais de responsabilidade (coletiva), e sua observância, por meio do sacrifício da vítima se vinculava ao funcionamento do sistema tribal de solidariedade”. FERNÁNDES Florestan, A função social da guerra na sociedade tupinambá, São Paulo, Brasil : Editora da Universidade de São Paulo, Livraria Pioneira Editora, 1970, p. 211.

[2] Texte original : “A coletividade se associava ao processo de recuperação mística, porque o que êle significava para a entidade sobrenatural, significava também para o grupo. Se aquela recuperasse a sua integridade, a coletividade recuperaria a sua. (...) A coletividade precisava participar do processo de recuperação mística, porque sòmente essa participação poderia assegurar-lhe autonomia mágica diante de determinado grupo hostil e proporcionar-lhe um domínio mágico efectivo sôbre êle”. Ibid., p. 327.

[3] Texte original : “O “nome” adquirido pelo sacrificante não provinha, nem direta nem mecânicamente, da vítima”. Ibid., p. 311.

[4] Texte original : “O parente morto, cuja integridade fôra restabelecida em conseqüência da recuperação mística, voltava a fazer parte do “nosso grupo”, como membro potencial da sociedade dos ancestrais míticos e dos antepassados ; a unidade mística do “nosso grupo” se recompunha, ao mesmo tempo que a do grupo hostil se quebrava. A antropofagia, reconduzindo os devoradores ao estado de autonomia mágica, conferia-lhes domínio ou poder mágico sôbre a coletividade inimiga. (...) De maneira que, primàriamente, o canibalismo tupinambá tinha uma função religiosa : a de promover uma modalidade coletiva de comunhão direta e imediata com o sagrado”. Ibid., p. 327.

[5] Texte original : “Como forma de relação intertribal, a guerra não era a causa eficiente do tratamento recíproco, mas antes o efeito de uma aplicação mágico-religiosa do princípio de reciprocidade. (…) Os ritos de “destruição” dos inimigos tinham por função restabelecer as condições de eunomia social, o que se processava, fundamentalmente, através de duas operações ; 1) a satisfação da necessidade de relação sacrificial de entidades sobrenaturais ; 2) a reconstituição da unidade mística de “nosso grupo”. Enquanto a primeira operação possuía um caráter religioso (ou mágico-religioso, conforme a interpretação de Frazer), a segunda tinha um caráter mágico, embora o seu fundamento fôsse estritamente religioso…” Ibid., p. 329.

[6] Texte original : “Entre êstes, os dois princípios caracterizados acima – a recuperação mística e a retribuição mágica – explicam uma parte considerável da emergencia e atualização dos laços de solidariedade sociais”. Ibid., p. 341.

[7] Texte original : “De qualquer modo, duas coisas se evidenciam à análise interpretativa : 1) que havia uma ligação concreta entre as cerimônias de “destruição” dos inimigos e o sistema tribal de solidariedade social (distribuição ritual do corpo da vítima entre as parenteles e as obrigações resultantes, quanto à manutenção do escravo e à compensação adiada) ; 2) a própria participação dessas cerimônias constituía uma manifestação típica de solidariedade social, como reação coletiva de defesa da integridade do grupo e como uma comunhão em uma unidade social de ordem mística”. Ibid., pp. 342-343.

[8] MÉTRAUX Alfred, Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud, Paris, Gallimard, 1967, p. 70.

[9] Texte original : “Ahora nos habéis vencido y encerrado, pero nos da igual. Los valientes mueren en la tierra de los enemigos ; la nuestra (gente) aún es grande y los nuestros nos vengarán en vosotros !”. STADEN, Hans. Verdadera historia y descripción de un país de salvajes desnudos [1557], éd. Argos Vergara, Biblioteca del Afil, Barcelona, 1983. XLIII, p. 144.

[10] D’ABBEVILLE C., cité par MÉTRAUX, op. cit., p. 63.

[11] Cf. HARNER, op. cit.

[12] Texte original : “Ellos creen en una cosa que crece como una calabaza... Hacen después un agujero en forma de boca y ponen unas piedras pequeñas dentro para que suene. Hacen sonar esto cuando cantan y danzan, y lo llaman Tammaraka. (...). Esto lo tienen sólo los hombres, cada uno tiene el suyo”.

Hay entre ellos algunos que llaman “Paygi”, que están considerados entre ellos como nosotros hacemos con los adivinos. Éstos recorren una vez por año todo el país, de cabaña en cabaña, asegurando que tienen consigo un espíritu que viene de lejos, de lugares extraños, y que les concedió la facultad de hacer hablar a todos los tamarakas que ellos quisieran y el poder de alcanzar todo cuanto se les pide. Cada uno pretende entonces que este poder venga para su sonajero, se hace una gran fiesta, con bebidas, cantos y profecías, y practican muchas ceremonias curiosas.
Después, los adivinos fijan un día para una cabaña, que mandan evacuar, y ninguna mujer ni criatura puede quedarse allí dentro. (...) Cuando ya están todos reunidos, él mismo toma los tamarakas uno por uno, los perfuma con una hierba llamada “Bettin”. Después, se lleva el tamaraka a la boca, lo sacude y le dice : “Nee kora”, habla ahora y déjate oír, estás ahí dentro ? (...) Después, los adivinos les ordenan que vayan a la guerra y que traigan enemigos, porque los espíritus que están en los tamarakas desean comer carne de prisioneros ; entonces se van a la guerra.
Una vez que el adivino Paygi ha transformado en ídolos todos los sonajeros, cada uno coge su sonajero, le llama su querido hijo y le hace una pequeña cabaña en la que debe permanecer. Le da comida y le pide todo cuanto precisa, tal como nosotros hacemos con el verdadero Dios ; éstos son sus dioses.
Por el Dios verdadero que creó el cielo y la tierra no se preocupan y creen que es una cosa muy natural que el cielo y la tierra existan. Tampoco saben nada especial acerca del comienzo del mundo”. STADEN, (1983), op. cit., pp. 200-201.

[13] Texte original : “Ñe’eng, ñe’e : en guaraní común ’ñ’é’ significa lenguaje humano, aplicándose también al cantar de las aves, chirriar de algunos insectos, etc. (…) ; en ’Ñe’e Porã Tenonde’ significa : las primeras palabras hermosas, v. g., las tradiciones y mitos “esotéricos”, aunque para designar éstos más a menudo se emplea la frase ’Ayvu Porã’. (…) Tiene otro significado, sin embargo, v. g. la de “porción divina del alma” o “palabra-alma”, y en este caso es pronunciada “ñe’eng”, con el sonido de la ’ng’ final inglesa o alemana, seguida de una brevísima y nasal. ’Ñe’eng’ es el espíritu que envían los dioses para que se encarne en la criatura próxima a nacer”. CADOGAN Léon, Ayvu Rapyta. Textos míticos de los Mbya-Guaraní del Guairá, São Paulo, Brasil : Univ. de São Paulo, Fac. de Fil., Cienc. e letras, Boletim 227, Antropologia 5, 1959, p. 25.

[14] En réalité du Jaguar.


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