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février 2018

Marx aujourd’hui - I -

Dominique Temple

 
Marx aujourd’hui, Collection « Réciprocité », n° 8, France, 2017.
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Introduction générale

Jamais le système capitaliste n’est apparu aussi puissant. Toutes les phases de son développement sont déployées sur la planète. Le capitalisme prétend contrôler la science, l’éducation, l’enseignement. La révolution socialiste n’a pas eu lieu. Cependant, le développement des forces productives atteint un seuil décisif : la technologie de l’informatique se libère de toute domination et rend à chacun sa liberté d’invention, sa puissance d’innovation. L’information est déjà à la disposition de tous, sa propriété est commune et son usage réciproque. Comment est-il alors possible que l’humanité soit forcée de sacrifier une partie d’entre elle, et qu’elle soit sous la menace d’une implosion planétaire ?

Karl Marx soutient que le capital est assujetti à une contradiction dialectique : il transfère le travail vivant (de l’ouvrier) au travail mort (de la machine) et libère du temps libre au prolétariat, alors qu’il lui faut impérativement transformer ce temps libre en surtravail pour augmenter son profit.

Le capitalisme se nourrit de la contradiction puisque chaque crise lui permet de dépasser ses conditions primitives jusqu’à ce que le changement qualitatif qui en résulte mette en mouvement d’autres modalités d’appropriation, de production et de croissance que celles à l’origine de son processus. Lorsqu’une organisation cohérente des forces productives a épuisé ses potentialités évolutives (mais jamais avant, note Karl Marx) le devenir du système se poursuit sous une forme nouvelle, autrement dit son évolution à ses limites entraîne l’actualisation d’une autre dialectique : il ne s’agit plus d’évolution et de crise mais de révolution. Le développement des forces productives implique un changement du principe du système, c’est-à-dire un nouveau rapport des hommes entre eux qui motive un autre mode d’appropriation de la nature.

Nous proposons de suivre la contradiction interne du système capitaliste à partir de son commencement tel qu’il est décrit par Karl Marx (Marx I), puis, lorsque le moteur de sa croissance n’est plus la production mais la consommation (Marx II), enfin lorsque le prolétariat est invité à partager avec lui la jouissance du pouvoir (Marx III).

Au XIXe siècle, la privatisation de la propriété (l’expropriation de la propriété commune) prive le prolétariat de sa libre initiative au bénéfice de l’entreprise capitaliste.

Au XXe, le capitalisme mobilise autant la participation de l’intelligence que l’exploitation brutale de l’homme par l’homme et bénéficie d’une collaboration de classe qui l’emporte sur la lutte des classes.

Mais au XXIe l’intelligence artificielle rompt la sujétion de l’humanité au capitalisme. Seules les ressources de la planète demeurent contrôlées par le pouvoir financier (la spéculation). Nous soutiendrons alors qu’aujourd’hui le travail que Marx dit mort, enseveli dans la machine, redevient vivant.

Karl Marx et le travail vivant

Karl Marx, avec la définition du travail comme travail vivant, comme Charles Darwin avec la découverte de l’évolution, constate que la matière vivante est capable non seulement de se reproduire mais encore de se différencier, de s’organiser, de se dépasser dans des formes toujours plus complexes. Il s’en est fallu de peu que l’un ou l’autre ne postule un principe antagoniste du deuxième principe de la thermodynamique ! Les phénomènes qu’ils étudient sont néanmoins trop séquentiels pour leur permettre de rompre avec la Physique de leur temps. Au XIXe siècle, le travail est donc toujours conçu comme l’actualisation d’un potentiel qui se mesure en dépense d’énergie qui doit être régénérée à l’issue de son usage.

« En fin de compte toute activité productive, abstraction faite de son caractère utile, est une dépense de force humaine. La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une
dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l’homme, et en ce sens du travail humain au même titre. La force humaine de travail dont le mouvement ne fait que changer de forme dans les
diverses activités productives doit assurément être plus ou moins développée pour pouvoir être dépensée sous telle ou telle forme. Mais la valeur des marchandises représente purement et simplement le travail de l’homme, une dépense de force humaine en général » [1].

Aucune mesure ne peut quantifier la différenciation biologique, la forme engendrée par le travail vivant. La qualité de la valeur produite par le travail, du moment que celui-ci est aliéné dans le contrat d’échange, est seulement remplacée par celle que le patron de l’entreprise propose comme but à l’entreprise, et qu’il estime donc lui appartenir. Pourtant, c’est l’ouvrier qui la produit et non le capitaliste. Il demeure, en effet, que la force de travail payée pour produire la valeur est une force de travail vivante. Et si pour le capitaliste cette valeur n’est quantifiable que traduite en énergie dépensée, c’est qu’il mesure la force de travail qu’il achète à l’ouvrier par la quantité de ressources nécessaires à sa reproduction, le salaire.

Marx insiste, lui, sur le fait que le travail est un travail vivant.

Dans la vie, la production consommatrice subordonne la consommation productive :

« Il est évident que dans l’alimentation, par exemple, qui est une forme particulière de consommation, l’homme produit son propre corps. Mais cela vaut également pour tout autre genre de consommation qui, d’une manière ou d’une autre, contribue par quelque côté à la production de l’homme. Production consommatrice » [2].

La vie se comptabilise, si l’on peut dire, par les formes qu’elle crée... par la forme et non la force dépensée pour la produire. L’analogie de l’entreprise avec un organisme permet alors de se représenter le profit, en termes de production, comme la différence entre la valeur produite par le travail vivant et la quantité de ressources nécessaires à la reproduction de la force de travail.

La conscience

La vie..., l’évolution... est une découverte qui semble rendre compte de la conscience imaginée comme l’ultime phase de l’évolution et de la vie.

Marx note cependant que « La conscience de la nécessité d’entrer en rapport avec les individus qui l’entourent marque pour l’homme le début de la conscience de ce fait qu’il vit somme toute en société » [3]. Mais il interprète aussitôt cette conscience sociale comme un moment de l’évolution biologique : « Ce début est aussi animal que l’est la vie sociale elle-même à ce stade ; il est une simple conscience grégaire, et l’homme se distingue ici du mouton par l’unique fait que sa conscience prend chez lui la place de l’instinct ou que son instinct est un instinct conscient » [4]. Et c’est la vie, la différenciation biologique, qui conduirait à la division du travail au sein de la communauté primitive. « Cette division du travail, […] implique en même temps la répartition du travail et de ses produits, distribution inégale en vérité tant en quantité qu’en qualité ; elle implique donc la propriété dont la première forme, le germe, réside dans la famille où la femme et les enfants sont les esclaves de l’homme. Du reste, division du travail et propriété privée sont des expressions identiques - on énonce, dans la première, par rapport à l’activité ce qu’on énonce, dans la seconde, par rapport au produit de cette activité » [5].

Marx s’appuie sur Lewis Henry Morgan qui décrit l’évolution de la société à partir d’une horde où tout serait indivis, autant l’usage des femmes que celui de la nourriture. La différenciation biologique conduirait dès lors à la différenciation sociale, à « la division naturelle du travail dans la famille et [...] la séparation en familles isolées et opposées les unes aux autres ». Et la propriété se répartirait donc entre propriété privée familiale et propriété collective.

Mais comment les hommes sont-ils unis collectivement ? Par une dépendance réciproque, dit Marx :

« De plus, la division du travail implique du même coup la contradiction entre l’intérêt de l’individu singulier ou de la famille singulière et l’intérêt collectif de tous les individus qui sont en relations entre eux ; qui plus est, cet intérêt collectif n’existe pas seulement, mettons dans la représentation, en tant que “intérêt général”, mais d’abord dans la réalité comme dépendance réciproque des individus entre lesquels se partage le travail » [6].

L’anthropologie au XXIe siècle confirme-t-elle cette dépendance collective des individus les uns des autres, l’évolution de l’indivision primitive à la famille individualisée, l’appropriation de la nature en fonction de l’intérêt familial ou collectif ?

Elle a montré au contraire que les familles humaines n’ont jamais été confondues dans une horde primitive et qu’elles ont toutes été reliées dès leur origine par le principe de réciprocité. Mais par « réciprocité » il faut entendre tout autre chose qu’une dépendance biologique. Pour fonder une famille, dira Lévi-Strauss, il en faut deux. Le principe a sa source dans la nature : l’exogamie. Mais toutes les sociétés humaines interprètent l’exogamie comme la condition de la réciprocité (la prohibition de l’inceste). La prohibition de l’inceste de nourriture redouble immédiatement la prohibition de l’inceste de parenté, et il en est ainsi pour toutes les activités de l’homme (les prestations totales). Pourquoi ? Parce que la réciprocité donne sens aux activités qu’elle mobilise.

À partir du moment où la conscience peut se réfléchir sur elle-même grâce à la réciprocité, elle devient en effet conscience de ce qu’elle est elle-même, conscience de conscience et pas seulement conscience d’une finalité comme celle de se nourrir ou de se reproduire. Cette conscience de conscience fascine l’homme parce qu’elle le délivre de sa dépendance biologique, de sorte que s’il y a obligation de réciprocité, comme dira Marcel Mauss, c’est à partir d’une motivation spirituelle : l’amitié (la philia), produite par la réciprocité de bienveillance, est impérative, mais cet impératif est celui d’une libération de la conscience des chaînes de la nature.

Contradiction et antagonisme

Nous avons dit que Marx ne peut tirer toutes les conséquences du fait que la vie défie l’énergie physique, parce que le travail vivant ne peut être comptabilisé qu’en rapports de force entre le salarié et le capitaliste. Il envisage cependant une dialectique dans laquelle la vie joue un rôle dynamique, il envisage une dialectique, mais non pas deux dialectiques inverses l’une de l’autre. Or, à partir du XXe siècle, force est de reconnaître deux dynamiques à l’œuvre dans la nature : l’une qui tend vers la plus grande entropie, l’autre vers la plus grande néguentropie. Selon la Physique d’aujourd’hui, la dialectique se dédouble, si l’on peut dire, et si chacune est la négation de l’autre, elle est en même temps antagoniste de l’autre. Et entre les deux (l’homogénéisation (entropisation) et l’hétérogénéisation (néguentropisation) de l’univers), il n’y a pas seulement une contradiction. Entre les deux dialectiques, entre leurs contradictions respectives, s’ouvre un “espace vide” que l’on peut appeler l’antagonisme. Et celui-ci donne naissance à une troisième dialectique, car il peut s’accroître aux dépens des deux autres.

Cet antagonisme était déjà repéré comme le “juste milieu entre les contraires” (la médiété) par le Philosophe, qui faisait même intervenir quelque chose de plus. Aristote précisait en effet que le sentiment d’humanité qui caractérise les hommes se construit à partir d’une relation où la conscience de l’un, se redoublant de celle de l’autre, se révèle à elle-même comme l’esprit (noûs) commun à l’un et à l’autre : le “propre de l’humanité”, dit-il [7]. Cette relation est la réciprocité. La conscience peut se dire universelle lorsque la réciprocité devient généralisée.

Les sentiments produits par les différentes relations qui souscrivent au principe de réciprocité se représentent comme valeurs. Aristote fonde alors l’économie politique sur une valeur particulière, la justice. Pourquoi ? Parce que la matrice de la justice est une relation de réciprocité égale, et l’égalité peut être mesurée par la quantité de ce que chacun redistribue aux autres. On devine l’importance de son raisonnement : désormais la conscience affective commune née de la réciprocité se représente de façon objective grâce au partage et à la mesure, c’est-à-dire grâce à la médiation de la raison, pour tous les membres de la société quel que soit leur imaginaire particulier. Tout homme, dès lors qu’il respecte le principe de réciprocité et la raison (“Nul n’entre ici s’il n’est géomètre !” [8]), peut dépasser les limites de la parenté, où tout est encore commun, et grâce au partage (metadosis) investir sa puissance créatrice dans la construction de la cité.

Ce qui nous importe ici est la matrice de la médiété, matrice qui repose sur le concept clé d’antagonisme. Pourtant, l’anthropologie moderne n’a pas encore dépassé l’idée que la conscience humaine émergerait de l’évolution comme la forme ultime de la vie. Lévi-Strauss, par exemple, fait apparaître la fonction symbolique de la différenciation du vivant. Néanmoins, il nous faut entendre aujourd’hui que la conscience obéit à une dialectique différente de la dialectique de la vie, qu’elle obéit à celle de l’antagonisme qui se développe grâce au principe de réciprocité.

Les deux économies

Lorsqu’il cherche à préciser l’origine du capitalisme, Marx cite longuement Aristote. La valeur est une œuvre personnelle, subjective, qui s’inscrit dans la réciprocité où elle reçoit une fonction sociale. Elle dépend de son statut de production. Dans des conditions identiques et à temps de travail égal, les productions sont dites équivalentes si les statuts de production sont égaux. Si l’Assemblée estime que le statut du magistrat est supérieur à celui du paysan, elle établira entre le travail du paysan et celui du magistrat un rapport proportionnel au rapport du paysan et du magistrat. Ce détour par le statut social pour mesurer la valeur n’est pas moins habile que celui du temps de travail : pour Marx, le temps de travail permet de compter une quantité de valeur. Pour Aristote, le statut de production permet d’évaluer la qualité de la valeur. Entre les producteurs, le commerçant (kapelos) peut échanger entre eux des produits dont la valeur est exprimée par leur équivalence de réciprocité. On peut appeler cet échange “échange de réciprocité”. Aristote distingue alors deux types d’échange.

Marx nous le rappelle en citant lui-même Aristote :

« Aristote oppose l’économique à la chrématistique. La première est son point de départ. En tant qu’elle est l’art d’acquérir, elle se borne à procurer les biens nécessaires à la vie, et utiles soit au foyer domestique soit à l’Etat. “La vraie richesse (o alêthinos ploutos) consiste en des valeurs d’usage de ce genre, car la quantité des choses qui peuvent suffire pour rendre la vie heureuse n’est pas illimitée. Mais il est un autre art d’acquérir, auquel on peut donner à juste titre le nom de chrématistique, qui fait qu’il semble n’y avoir aucune limite à la richesse et à la possession. Le commerce des marchandises (Ê kapêlikê) (mot à mot “commerce de détail” : Aristote adopte cette forme parce que la valeur d’usage y prédomine) n’appartient pas de sa nature à la chrématistique, parce que l’échange n’y a en vue que ce qui est nécessaire aux acheteurs et aux vendeurs. » Plus loin, il démontre que le troc a été la forme primitive du commerce, mais que son extension a fait naître l’argent. À partir de la découverte de l’argent, l’échange dut nécessairement se développer, devenir “kapêlikê” ou commerce de marchandises, et celui-ci, en contradiction avec sa tendance première, se transforme en chrématistique ou en art de faire de l’argent. La chrématistique se distingue de l’économique en ce sens que “pour elle, la circulation est la source de la richesse et elle semble pivoter autour de l’argent, car l’argent est le commencement et la fin de ce genre d’échange. C’est pourquoi aussi la richesse, telle que l’a en vue la chrématistique est illimitée. (...) L’économique est limitée, la chrématistique non. La première se propose autre chose que l’argent, la seconde poursuit son augmentation... C’est pour avoir confondu ces deux formes que quelques-uns ont cru à tort que l’acquisition de l’argent et son accroissement à l’infini étaient le but final de l’économique”. » (Aristote, De rep., édit. Bekker, t. I, c. 8 et 9, passim) » [9].

Aristote distingue alors deux économies à partir de l’échange de réciprocité dans les communautés, et de l’échange spéculatif entre cités où la valeur des choses est différente [10] : il observe qu’entre des places de marché éloignées les unes des autres, en particulier dans le commerce maritime, la valeur d’échange obtenue par la spéculation sur la différence des prix n’a d’autre propriétaire que l’intermédiaire sans référence à aucun producteur [11]. Cet échange autorise le commerçant libre (métaboleus) à considérer son profit comme propriété privée. Ce profit est dû en effet à son habileté spéculative. Cette propriété privée autorise une accumulation sans limite. Il existe dorénavant deux économies : l’une est ordonnée à la redistribution et la consommation de la communauté, l’autre sans limite n’a d’autre but que la richesse et le pouvoir.

Cependant, avec le progrès des communications et des échanges, la disparité de la valeur dans les systèmes de productions isolés s’efface. Mais elle peut renaître partout grâce à la privatisation de la propriété des moyens de production. Celle-ci sera instituée constitu- tionnellement au XVIIIe siècle en Angleterre avec l’enclosure Act, et en France avec le Code civil de Napoléon.

L’ouvrier produit par son travail dix, cent ou mille fois plus que la quantité de richesse qui lui est nécessaire pour survivre et se reproduire. Le produit du travail qui excède cette quantité payée par le salaire est la plus-value. La part de la plus-value qui devrait revenir aux travailleurs dans une communauté de réciprocité constitue le profit des actionnaires, au même titre que le gain spéculatif du commerçant antique qui jouait sur les disparités d’équivalence des cités entre lesquelles il instituait son commerce.

L’aliénation et l’exploitation du travail

L’exploitation capitaliste a pris le relais de la spéculation commerciale bien que le commerce des traders sur la rentabilité des entreprises et celui des entreprises qui délocalisent continuent d’en tirer parti. Néanmoins, c’est bien l’exploitation capitaliste la source majeure du capital.

Il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que la force de travail réduite à une force élémentaire (la force vitale brute de l’ouvrier) autorise une diminution du salaire qui dégage un profit supplémentaire par rapport à la plus-value obtenue de l’aliénation de la force de travail. Cette marge de profit obéit au même souci de tirer le plus grand parti possible du rapport de force instauré par la privatisation de la propriété des moyens de production. Cependant, elle fait apparaître plus clairement que la qualité du travail n’est pas prise en compte dans la définition de la valeur, qu’elle en est même écartée par la mesure quantitative de la force de travail. La force de travail n’est pas seulement amputée de sa finalité sociale et de sa compétence particulière (pour le forgeron d’être forgeron, le menuisier d’être menuisier), elle est dénaturée ; l’ouvrier, dans l’entreprise capitaliste du XIXe siècle, est privé non seulement de tout droit d’initiative, d’innovation ou d’invention dans l’entreprise, mais aussi de la faculté de reconstituer sa puissance de travail d’origine. L’essentiel est ceci, dit Marx : « Le prix de la force de travail atteint son minimum lorsqu’il est réduit à la valeur des moyens de subsistance physiologiquement indispensables, c’est-à-dire à la valeur d’une somme de marchandises qui ne pourrait être moindre sans exposer la vie même du travailleur » [12].

La force de travail est ramenée à une force biologique mesurée par une quantité d’énergie physique. Pour le système capitaliste du XIXe siècle, la valeur d’échange n’est pas un artifice, une abstraction ou une forme de la valeur qui représenterait la puissance du travailleur, elle est disqualification de cette puissance et mutilation de la valeur [13].

La puissance de travail restreinte à une quantité d’énergie a fait comparer l’exploitation de l’homme au XIXe siècle à un esclavage à la carte [14].

Que l’on ne s’y trompe pas : la division du travail introduite par l’industrialisation (fordisme, taylorisme) ne crée pas une opportunité pour que l’ouvrier puisse s’exprimer librement, au contraire, elle fragmente sa puissance en opérations élémentaires dont il ne maîtrise pas la synthèse.

« Dans la division du travail, écrit Michel Henry, résumant la position de Marx, l’actualisation d’une potentialité n’exclut pas seulement dans l’instant, mais de façon décisive et définitive, la réalisation des autres puissances de la vie, loin de les éveiller ou de les susciter. […] La signification “positive” de la division du travail est doublement négative, parce que d’une activité qui s’inscrit dans une totalité mouvante et se propose comme le moment de sa réalisation synthétique indivisible, elle fait un geste stéréotypé et finalement privé de sens, c’est-à-dire de son insertion dans le processus phénoménologique d’ensemble qui est le déploiement et l’accomplissement de la vie » [15].

Pourtant, comme Marx ne cesse de le dire, la valeur est produite par le travail vivant, et par vivant il entend l’actualisation de la vie comme créatrice de biens et de richesses, de valeurs d’usage ou d’activités, et donc la force de travail comme puissance d’innovation.

L’innovation

L’importance de l’innovation apparaît quand on compare l’efficience respective de deux entreprises qui font intervenir des techniques différentes. Chaque entreprise requiert les meilleures techniques pour améliorer la productivité de son capital afin de l’emporter sur ses rivales. Mais, toutes s’alignant très vite en adoptant les mêmes innovations, s’ensuit la baisse tendancielle du taux de profit. Cette baisse est compensée par l’augmentation de la production que permet aussi l’innovation : d’un côté celle-ci réduit le temps de travail nécessaire à la production de la marchandise, mais de l’autre côté elle permet d’améliorer les communications, d’amplifier le marché, d’agrandir l’entreprise et d’augmenter le nombre d’ouvriers, de sorte que ne compte finalement que l’exploitation du travail salarié pour faire la différence entre les entreprises. Pour le capitalisme du XIXe siècle, le changement produit par une innovation demeure “extérieur” au procès de production de plus-value [16]. Entendue comme découverte, comme valeur d’usage (l’électricité ou la machine à vapeur par exemple), l’innovation est à cette époque considérée comme gratuite. On estime que les inventions sont des forces productives analogues à celles de la nature (la fertilité de la terre, la fécondité des animaux, etc.) Si une invention améliore la compétence d’une machine, elle contribue donc à la production de la valeur parce qu’elle modifie le capital, et non parce qu’elle serait produite par le travail salarié [17].

Marx n’étudie, précise-t-il, que la différence fonctionnelle entre un capital constant donné et un capital variable donné. D’où cette formule « La valeur de la force moyenne de travail et le degré moyen de son exploitation étant supposés égaux dans différentes industries, les masses de plus-value produites sont en raison directe de la grandeur des parties variables des capitaux employés, c’est-à-dire en raison directe de leurs parties converties en force de travail » [18]. Il est évident que si l’on fait abstraction des innovations qui modifient la valeur du capital constant en les considérant comme des facteurs externes au travail, on ne peut définir la valeur d’échange que par la quantité de travail socialement nécessaire, payé par le salaire [19].

Mais à qui appartient la somme d’innovations que le capitalisme emprunte à la société ? La question opposa Proudhon et Marx, le premier estimant que la société non-capitaliste est propriétaire de ces innovations et demeure une puissance collective qui peut retourner la situation à son avantage, d’où l’espérance d’une économie socialiste rivale de l’économie capitaliste. Marx répond que toutes les forces productives sont maîtrisées a priori par le capital grâce à la privatisation de la propriété. Il n’existe donc pas de forces productives libres qui puissent se constituer en économie alternative. Mais alors comment la conscience révolutionnaire peut-elle naître d’une pareille aliénation de tout travail ? Rien n’indique comment le prolétariat pourrait se ré-approprier la vie, la puissance du sujet se créant lui-même. Cette opportunité où se révélerait le sens de l’humanité commune (voir plus loin la définition du travail humain) est reportée après l’élimination du capitalisme. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’issue pour le prolétariat hors la conscience révolutionnaire du parti communiste.

La puissance d’innovation

Par la qualité du travail, il faut entendre la consommation vraie que Marx appelle parfois loisir ou production consommatrice, c’est-à-dire le travail par lequel l’homme se construit comme être vivant et pensant, comme savant ou artiste, il faut entendre l’actualisation de la puissance d’innovation, de la capacité d’inventer de nouvelles valeurs d’usage ou de nouveaux procédés de production, en d’autres termes la libre initiative de la production [20].

Marx, on l’a dit, n’exclut pas la puissance d’innovation de la production de la valeur, mais il constate que dans la production capitaliste elle est intégrée dans le capital constant, tout entière appropriée par le capitalisme, de sorte que seule la valeur d’échange de la force de travail est prise en compte.

« La transformation de l’outil de travail en machine n’est pas fortuite, elle est la métamorphose historique des moyens de travail traditionnels adaptées aux besoins du capital. L’accumulation du savoir, des maîtrises, des forces productives générales du génie social est, elle aussi, absorbée dans le capital, posé face au travail ; elle apparaît donc comme la qualité du capital, ou plus exactement du capital fixe [21], pour autant qu’il entre dans la production comme instrument de travail proprement dit » [22].

Qu’est-ce qui empêche de prendre en compte la puissance d’innovation comme facteur de production de la valeur ? Serait-ce qu’elle est a priori exclue dans le contrat salarial parce que le capitaliste ne donne comme finalité à l’entreprise que la production de valeur d’échange en vue de la croissance exclusive du capital ? Ou bien l’entrepreneur se réserverait-il cette puissance d’innovation comme sa propre contribution à l’entreprise ? La réponse de Marx serait plutôt que l’objectif de la production capitaliste est seulement la valeur d’échange, la réduction du travail vivant au travail mort, et l’accumulation du capital constant [23].

Le travail social

Marx rappelle cependant que dans d’autres systèmes de production, le travail est un travail social car ce qu’il produit est la vie de la communauté.

« Représentons-nous enfin une réunion d’hommes libres travaillant avec des moyens de production communs, et dépensant d’après un plan concerté leurs nombreuses forces individuelles comme une seule et même force de travail social. (...) Le produit total des travailleurs unis est un produit social. Une partie sert de nouveau comme moyen de production et reste sociale ; mais l’autre partie est consommée, et par conséquent doit se répartir entre tous » [24].

Il soutient la même thèse que Aristote : le travail est vivant : “vivant”, signifie la conversion de la puissance en actualisation, en qualité supérieure à celle de sa matière première, qualité (ou forme) plus complexe que celle d’origine, dont témoigne la signature de son auteur sur son œuvre [25]. Aristote fait de l’homme un être vivant comme Marx mais distingue plus nettement la vie qui permet de passer de la puissance à l’acte, de la conscience : la conscience naît de la puissance qui se refuse de passer à l’acte pour être plus puissante... Toute chose produite dans la réciprocité aristotélicienne acquiert une forme nouvelle mais aussi une valeur en fonction de cette dimension psychique : pour être digne de foi toute production doit être animée de la confiance et de l’amitié, la conscience éthique produite par la réciprocité. Marx n’insiste pas sur cette distinction et par vivant entend vivant et pensant. Il retient que la division du travail en fonction de la complémentarité des besoins de la société lui confère donc son caractère social. Il garde cette notion de travail social pour le travail de l’ouvrier dans l’entreprise, bien que sa finalité change puisqu’elle est alors ordonnée à l’accumulation du capital : le travail social devient dès lors travail social utile (au capital).

Il semble qu’il y ait ici contradiction entre la réduction du salarié à un état physique infrahumain, et le crédit accordé au prolétariat d’un travail social (détourné en utilité capitaliste).

La propriété privée

Marx ne cesse en effet de soutenir que la production de la valeur est due à la vie. Il faut donc préciser le moment où le système capitaliste emprisonne le travail vivant dans un statut où il peut être assujetti à un rapport de force qui le stérilise de sa fonction humaine puis le convertit en capital, c’est-à-dire en travail mort, en travail des machines. Ce moment est la privatisation de la propriété. Néanmoins Marx emploie le terme de propriété privée dans plusieurs sens :

« Le mode de production et d’accumulation capitaliste et partant la propriété privée capitaliste, présuppose l’anéantissement de la propriété privée fondée sur le travail personnel ; sa base, c’est l’expropriation du travailleur » [26].

Et même lorsqu’il reconnaît que la première forme de la propriété est communautaire, Marx l’appelle aussi “propriété privée”... Rappelons que pour lui, à l’origine, la propriété des moyens de production répond aux besoins de la famille. Il y a dès lors antagonisme entre la propriété des familles et la propriété collective. Cette propriété qui fait corps avec son possesseur, il l’appelle propriété privée communale ou patriarcale et la distingue de la propriété privée bourgeoise. Mais il ne distingue pas plusieurs formes d’appropriation de la nature. Au contraire, il confond d’un seul élan l’appropriation de la nature, la propriété et la production de la vie :

« Toute production est appropriation de la nature par l’individu au sein et par l’intermédiaire d’un type de société bien déterminé. En ce sens, on commet une tautologie lorsque on dit que la propriété (l’appropriation) est une condition de la production. Mais on devient presque grotesque quand, à partir de là, on passe d’un bond à une forme déterminée de la propriété, par exemple la propriété privée. (Ce qui implique en outre, comme condition, une forme antagonique, la non-propriété). L’histoire nous montre plutôt que la forme primitive, c’est la propriété commune (par exemple chez les Indiens, les Slaves, les anciens Celtes, etc.) forme qui, en tant que propriété communale, jouera encore longtemps un rôle important » [27].

Dans “L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État”, Engels s’est aperçu de la difficulté qu’introduit l’utilisation du terme privé à propos de cette propriété commune. Dans la première édition, il nomme la propriété dans l’organisation primitive, “propriété privée de certains chefs de famille” puis “propriété privée des familles des sociétés primitives”, mais dans la deuxième édition il remplace dans la première phrase “propriété privée” par “propriété particulière des chefs de famille”, et dans la seconde par “propriété familiale”. Il est donc conscient que le terme de propriété privée est inadéquat pour définir l’appropriation primitive qui par définition est une possession qui fait corps avec le sujet, c’est-à-dire inaliénable [28].

Marx de son côté fait cette mise au point :

« On nous a reproché, à nous autres communistes, de vouloir abolir la propriété acquise par le travail personnel, cette propriété qui, dit-on, forme la base de toute liberté, de toute activité, de toute indépendance personnelles. Quelle est donc cette propriété, fruit de l’effort, du labeur personnel ? Voulez-vous parler de la propriété du petit bourgeois, du petit paysan, de celle qui a précédé la propriété bourgeoise ? Ce n’est pas à nous de l’abolir, le progrès de l’industrie l’a abolie et l’abolit jour après jour. Ou bien parlez-vous de la propriété privée de la bourgeoisie moderne ? Mais dites-moi, est- ce que le travail salarié, le travail du prolétaire crée pour lui une propriété quelconque ? En aucune manière. Il crée le capital, c’est-à-dire la propriété qui exploite le travail salarié, et qui ne peut s’accroître qu’à la condition de produire un surcroît du travail salarié, afin de l’exploiter de nouveau. Dans sa forme actuelle, la propriété évolue dans l’antagonisme du capital et du travail » [29].

Marx étudie le système économique dont la relation de base est déterminée par la privatisation de la propriété, c’est-à-dire l’expropriation de la propriété. L’expropriation ? De laquelle les enclosures anglaises sont l’image paradigmatique, une clôture qui soumet la liberté de tous à la liberté individuelle, l’échange à la concurrence, la raison au calcul, et substitue le pouvoir de domination des uns sur les autres à la responsabilité de chacun vis-à-vis d’autrui.

Marx conclut : « Ce qui caractérise le communisme, ce n’est pas l’abolition de toute espèce de propriété, mais l’abolition de la propriété bourgeoise. Or, la propriété bourgeoise moderne, la propriété privée, est l’expression ultime, l’expression la plus parfaite du mode de production et d’appropriation fondé sur des antagonismes de classes, sur l’exploitation des uns par les autres. En ce sens les communistes peuvent résumer leur théorie par cette seule formule : abolition de la propriété privée » [30].

La thèse de l’exploitation que l’on peut dire “quantitative” de la valeur dans la genèse du profit doit être liée à son contexte, à cette phase du développement du système capitaliste où la plus-value est produite par l’exploitation du travail amplifiée par la disqualification de la puissance de travail en force de travail brute. Mais cette exploitation n’est possible que lorsque la privatisation de la propriété commune permet à une classe sociale de s’emparer des moyens de production. Les exemples que citent Marx à l’appui de sa démonstration sont probants.

Mais cette thèse se soutient-elle aujourd’hui ? Jamais le Capital n’a mobilisé autant de prolétaires, et l’exploitation de la force de travail brute ne cesse nulle part d’être source de profit. Comme une onde se propageant du centre vers la périphérie, l’exploitation capitaliste s’observe sous ses formes les plus brutales aux limites de la société occidentale.

La thèse se soutient aussi du fait que le capital constant où s’accumulent les ressources technologiques représente le travail accumulé selon le mode d’exploitation de la force de travail brute. Mais au cœur de la société capitaliste suffit-elle ?

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Notes

[1] Karl Marx, Le Capital, livre I, première section, II, Œuvres, Économie I, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1965, p. 572.

[2] Karl Marx, Introduction à la Critique de l’économie politique, Paris, Éditions sociales, p. 156.

[3] Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande, Éditions Sociales, p. 45.

[4] Ibid.

[5] Ibid., p. 47.

[6] Ibid., p. 48.

[7] Voir Dominique Temple & Mireille Chabal, La réciprocité et la naissance des valeurs humaines, L’Harmattan, Paris, 1995.

[8] Devise inscrite sur le frontispice de l’Académie fondée par Platon.

[9] Karl Marx, Le Capital, livre I, Deuxième section, La transformation de l’argent en capital, chapitre IV La formule générale du capital, Œuvres, op. cit., p. 698.

[10] Si en Egypte un boisseau de blé équivaut à une jarre de vin, et que ce même boisseau équivaut en Grèce à deux jarres de vin, on peut échanger en Egypte une jarre de vin contre un boisseau de blé, et ramener en Grèce ce boisseau de blé pour l’échanger contre deux jarres de vin, et ainsi de suite.

[11] Paul Jorion précise que, dans le langage d’aujourd’hui, il n’est pas question ici de spéculation mais d’arbitrage : la « spéculation » met en présence deux parieurs en sens opposé sur l’évolution d’un prix, alors qu’un « arbitrage » consiste à vendre à un endroit A à un certain prix, ce qui a été acheté en B à un prix inférieur. Le profit de l’arbitrageur récompense, dit-on, la prise de risque dans le transport du bien de B en A, alors que le profit du spéculateur entérine simplement sa bonne fortune.

[12] Karl Marx, Le Capital, livre I, section II, chap. VI Achat et vente de la force de travail, op. cit., p. 722.

[13] Le capitaliste ne conserve pas en réserve le savoir-faire, la puissance de travail et les facultés d’imagination ou d’invention des salariés, pour les utiliser en cas de besoin comme dans un menu à la carte, il ne les écarte pas seulement pour les remplacer, il les détériore pour les réduire à une force mécanique dont la reproduction ne lui coûte que le moins possible. L’exploitation redouble l’aliénation. Adam Smith stigmatisait déjà ce processus de déshumanisation de la puissance de travail du salarié en ces termes : « Un homme dont toute la vie se passe à remplir un petit nombre d’opérations simples dont les effets sont aussi peut-être toujours les mêmes ou à peu près les mêmes, n’a point lieu de développer son intelligence ni d’exercer son imagination à chercher des expédients pour écarter des difficultés qui ne se présenteront jamais ; il perd donc naturellement l’habitude de déployer ou exercer ces facultés, et devient en général aussi stupide et aussi ignorant qu’il est possible à une créature humaine de le devenir. » Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre V, chapitre 1, troisième partie.

[14] On ne confondra pas la force vitale brute avec la force musculaire puisque celle-ci peut elle-même être disqualifiée ! : « En rendant superflue la force musculaire, la machine permet d’employer des ouvriers sans grande force musculaire mais dont les membres sont d’autant plus souples qu’ils sont moins développés. Quand le capital s’empara de la machine, son cri fut : du travail de femmes, du travail d’enfants ! » Karl Marx, Le Capital, livre I, quatrième section X, III, op. cit., p. 939 (…) « Jadis l’ouvrier vendait sa force de travail dont il pouvait librement disposer, maintenant il vend femme et enfants ; il devient marchand d’esclaves ». Ibid. p. 941.

[15] Michel Henry, Marx, tome I, Une philosophie de la réalité, p. 265. Dit autrement et de façon tout aussi lumineuse : Charlie Chaplin, Les temps modernes.

[16] « Comme la valeur des matières premières, la valeur des instruments de travail déjà employés dans la production, machines, constructions etc., peut changer, et par cela même, la portion de valeur qu’ils transmettent au produit. Si par exemple, à la suite d’une invention nouvelle, telle machine peut être reproduite avec une moindre dépense de travail, la machine ancienne de même espèce perd plus ou moins de sa valeur et en donne, par conséquent, proportionnellement moins au produit. Mais dans ce cas, comme dans le précédent, le changement de valeur prend naissance en dehors du procès de production où la machine fonctionne comme instrument. Dans ce procès, elle ne transfère jamais plus de valeur qu’elle en possède elle-même. De même qu’un changement dans le procès de travail, malgré la réaction qu’il opère sur eux, ne modifie en rien leur caractère de capital constant, de même un changement survenu dans la proportion entre le capital constant et le capital variable, n’affecte en rien leur différence fonctionnelle ». Marx, Le Capital, livre I, troisième section, chapitre VIII, “Capital constant, capital variable”, op. cit., p. 763-764.

[17] Capital constant : “la partie du capital qui se transforme en moyens de production, c’est-à-dire en matières premières, matières auxiliaires et instruments de travail”. Capital variable : “la partie du capital transformée en force de travail”. Cf. Marx, Le Capital, livre I, troisième section, chapitre VIII “Capital constant capital variable”, op. cit., p. 762.

[18] Karl Marx, Le Capital, livre I, troisième section, chapitre XI “Le taux et la masse de la plus-value”, op. cit., p. 842.

[19] On doit alors interpréter le travail complexe comme une addition de travaux élémentaires. La plus-value d’un travail complexe se compte à partir de plus-values particulières. « Le travail complexe (skilled labour, travail qualifié) n’est qu’une puissance du travail simple, ou plutôt n’est que le travail simple multiplié, de sorte qu’une quantité donnée de travail complexe correspond à une quantité plus grande de travail simple. » Marx, Le Capital, livre I, première section, La marchandise, II, op. cit., p. 572.

[20] Sur cette question, on pourra consulter sur Internet les observations d’Alain Bihr : « Les formes concrètes du travail abstrait » (2010).

[21] Capital fixe : investi dans les moyens de production, bâtiments, machines. Capital constant : les moyens + les matières premières.

[22] Karl Marx, “Principes d’une critique de l’économie politique”, [Grundrisse], Œuvres II, op. cit., p. 299.

[23] Valeur signifie toujours chez Marx valeur d’échange, sauf s’il est précisé : valeur d’usage. Il n’est donc pas certain que Marx distingue la valeur créée par l’artisan qui dispose librement de sa force de travail qui implique sa capacité d’imagination, de la valeur d’échange produite par le travailleur salarié qui ne dispose plus de cette puissance d’imagination et qui doit soumettre sa force de travail mutilée de sa puissance d’imagination au but de l’entreprise que lui assigne le patronat.

[24] Karl Marx, Le Capital, livre I, première section, “La Marchandise”, I, IV, op. cit., p. 613.

[25] Ce que nous appelons aujourd’hui un label (par opposition à la marque commerciale).

[26] Karl Marx, Le Capital, livre I, huitième section, “Théorie de la colonisation”, XXXIII, op. cit., p. 1235.

[27] Karl Marx, “Introduction générale à la critique de l’économie politique”, Œuvres I, op. cit., Économie, p. 240.

[28] Friedrich Engels (1844) L’origine de la famille de la propriété privée et de l’État. À propos des recherches de L. H. Morgan (Traduit par les éditions du Progrès, à Moscou, 1976), version numérique par Gemma Pasquet, note de l’éditeur, p. 43-44.

[29] Karl Marx, Le manifeste communiste (II, Prolétaires et communistes), Œuvres I, op. cit., p. 175.

[30] Ibid.


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