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septembre 2012

Le discours de l’énarque et le discours de l’avocat

Dominique TEMPLE

La crise financière puis la crise économique se développaient lorsque l’échéance de l’élection du Président de la République en France arriva. Nous pouvions espérer que ce soit l’occasion d’un grand débat sur l’imminence d’un grand chambardement dans le monde : si le système capitaliste devait finir aussi brutalement que finit le système communiste que pouvaient offrir les grands partis politiques en charge de la gestion des affaires du monde pour assurer l’avenir à l’abri de la guerre ? Ce grand débat avait été annoncé en Août 2008 par le Président de la République lorsque la crise s’était déclarée comme une tempête financière.

“L’idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée de la toute-puissance du marché était une idée folle. L’idée que les marchés ont toujours raison est une idée folle.”
 
“L’économie de marché, c’est un marché régulé, le marché mis au service du développement, au service de la société, au service de tous. Ce n’est pas la loi de la jungle, ce n’est pas des profits exorbitants pour quelques uns et des sacrifices pour tous les autres.”
 
“Il nous faut trouver un nouvel équilibre entre l’État et le marché… L’autorégulation pour régler tous les problèmes, c’est fini. Le laisser-faire, c’est fini. Le marché tout-puissant qui a toujours raison, c’est fini…”
 
“Il faut ensuite réglementer les banques pour réguler le système. Car les banques sont au cœur du système… Il faudra imposer aux banques de financer le développement économique plutôt que la spéculation.”
(Discours de Toulon 2008).

N’était-ce pas le moment lors de l’échéance présidentielle de soutenir la question ? Le débat n’eut pas lieu.

Le débat eut eu lieu si les deux partis avaient été convaincus à la lumière de la crise que le système capitaliste arrivait à ses limites. Ils ne l’étaient ni l’un ni l’autre chacun pensant au contraire avoir les moyens de le rétablir. La droite soutient la rigueur bien qu’elle diminue le pouvoir d’achat des plus humbles, pour assurer la croissance dans les secteurs les plus dynamiques du capitalisme : la croissance technologique. La gauche soutient la relance de la croissance traditionnelle et nie que la dette soit contreproductive. Mais de l’avenir post-capitaliste pas question ! Nous avons assisté dès lors à l’affrontement de deux discours pour le pouvoir : le discours de l’avocat et le discours de l’énarque.

M. Sarkosy, avocat de formation, est capable de plaider toutes les causes, avec tout autant de brio les thèses socialistes (2008) que celles des français sensibles aux slogans du Front national (2012), ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait de convictions propres, mais le peuple est sensé les deviner ou parier.

M. Hollande, lui, est énarque de formation. Le discours de l’énarque est l’art de ne rien dire qui puisse faire l’objet d’une quelconque appréciation nécessairement approbation de quelques uns et désapprobation des autres, d’où l’emploi systématique de substantifs sans complément (la croissance, le développement, le progrès, le changement, l’effort, etc.) sur lesquels chacun peut effectuer son transfert personnel. Le vide substantiel du discours focalise l’espérance du plus grand nombre. Cela ne veut pas dire que le candidat qui utilise ce discours soit vide, mais le peuple doit parier sur son contenu.

La situation cependant est suffisamment grave pour autoriser un débat démocratique vrai. Le candidat centriste n’avait certes pas les moyens de le soutenir, mais pas davantage le candidat écologiste et pas davantage le tribun populiste.

Alors les français eurent droit à tous les serpents de mer des élections présidentielles : le cumul des mandats, la parité des hommes et des femmes, le nucléaire, la biodiversité, la cartable des écoliers, le salaire du Président de la République, et les candidats se livrèrent à la course aux voix dans chaque niche écologique, des handicapés, des grévistes, des agriculteurs et des morts.

Le débat sur l’avenir, le débat d’idées, fut remplacé par une polémique contre le tenant du titre pour prendre sa place.

Le candidat socialiste gagna ces élections grâce à la trahison du candidat centriste déçu de ne pas l’avoir emporté dans son propre camp, et aux “voix blanches” de la candidate du Front national qui trahit également la majorité dont elle prétendait se réclamer.

Le peuple n’est pas dupe. Il sanctionna le candidat qui siphonna les voix anticapitalistes avant de les offrir au système capitaliste sans état d’âme, et la candidate écologiste égarée dans le rôle de procureur de la république. Les élections législatives lui donnèrent l’occasion de refuser la confiance à un Parti qui avait refusé le débat : 50 pour cent des français (45 % des votants, 6 % de non inscrits), refusèrent de cautionner le nouveau pouvoir, et sur les 50% restant, la moitié vota contre lui et l’autre moitié se partagea, car une part ne vota que contre la droite.

Autant dire que le pouvoir légal est une bulle.

Le débat ? Pour une autre fois ! Il faut sans doute que la crise s’approfondisse pour ... un vrai débat. Pourtant les échéances se rapprochent !

Mais attention, le discours de l’Enarque est dangereux en situation de crise : si le discours de l’Enarque n’est qu’un masque pour un vide réel... c’est l’imposture.

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