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avril 2012

Georg Simmel – Philosophie de l’argent

Dominique TEMPLE (Forum de discussion : 2 commentaires)

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I. Georg Simmel – Le Tiers dans “Philosophie de l’argent”

II. Georg Simmel – La réciprocité dans “Philosophie de l’argent”

III. Georg Simmel – La valeur dans “Philosophie de l’argent”

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FORUM DE DISCUSSION

Au sujet du chapitre I. Le Tiers dans “Philosophie de l’argent”.

❀ Mireille CHABAL dit :

Thu 11 Apr 2012 23:10:04

Rappelons que Simmel est kantien et que son concept de Wechselwirkung que Papilloud traduit effets réciproques figure entre parenthèses dans la Table des catégories de Kant, comme explicitation de la 3° catégorie de la relation : de la communauté (action réciproque de l’agent et du patient), der Gemeinchaft (Wechselwirkung zwischen dem Handelnden und Leidenden).

Ces catégories sont a priori, elles peuvent s’appliquer à tout contenu, donc aux êtres humains, mais elles ne leur sont pas réservées. Kant donne immédiatement un exemple pris dans la physique : “un corps dont les parties s’attirent réciproquement les unes les autres et aussi se repoussent”, cet exemple que Simmel reprend ici. On peut se demander si lorsque Kant ou Simmel traitent de morale, ils utilisent des concepts logiques tirés de la physique de leur temps. Pour Kant ces concepts sont a priori, il n’avouerait pas qu’ils proviennent de la physique ni d’aucune expérience. Pour lui, on peut traiter des questions morales avec les outils logiques qui s’appliquent à toutes les sciences. Simmel fait de même. Avec les limites que nous révèle... Aristote !

Mireille Chabal


Au sujet du chapitre III. La valeur dans “Philosophie de l’argent”.

❀ Bruno MALLARD dit :

Thu, 19 Jul 2012 17:13

Un texte profond, intéressant et stimulant, à l’instar de quantité d’autres présentés sur ce site. Cependant, en s’inspirant des analyses de Cornelius Castoriadis sur ce même sujet, on peut émettre quelques réserves et interrogations, concernant entre autres sur ce qui est dit de la pensée d’Aristote.

Dans le texte, il est affirmé :

« C’est à Aristote que l’on pourrait attribuer l’idée de fonder l’économie “de façon substantielle” sur le travail concret, la valeur sur la valeur d’usage […]. C’est dans le produit du travail que se trouve la valeur. »

Les idées du grand philosophe grec peuvent donner lieu à une tout autre interprétation, mettant en relief les points suivants :

1) La valeur n’est pas fondée sur le (produit du) travail, c’est-à-dire, dans la terminologie marxienne, sur le « travail concret » (source de la « valeur d’usage »).

Marx lui-même est très clair sur ce point :

« “L’échange, dit Aristote, ne peut être sans l’égalité, ni l’égalité sans la commensurabilité”. Mais ici il hésite et renonce à poursuivre l’analyse de la forme de la valeur. “Mais il est impossible en vérité que des choses si dissemblables soit commensurables entre elles”, c’est à dire qualitativement égales/identiques […].
Ainsi Aristote nous dit lui-même contre quoi échoue la poursuite de son analyse, c’est-à-dire contre le manque/défaut/imperfection de [son] concept de Valeur. Quel est l’égal/identique, c’est-à-dire la substance commune que représente la maison pour le lit dans l’expression de la valeur du lit ? Pareille chose, dit Aristote, “ne peut pas en vérité exister”. Pourquoi ? Vis-à-vis du lit, la maison représente quelque chose d’égal/identique, pour autant qu’elle représente ce qui est effectivement égal/identique dans les deux. Et cela est – le travail humain.
Mais que dans la forme de la valeur des marchandises tous les travaux sont exprimés comme travail humain égal/identique et par conséquent comme équivalents, cela Aristote ne pouvait pas le lire dans la forme de la valeur elle-même, car la société reposait sur le travail des esclaves, et de ce fait avait comme fondement l’inégalité des hommes et de leur force de travail. Le secret de l’expression de la valeur, l’égalité/identité et équivalence de tous les travaux parce que et en tant qu’ils sont du travail humain en général ne peut être déchiffré que lorsque le concept de l’égalité/identité humaine possède déjà la solidité d’un préjugé populaire. » (Marx, Le Capital, livre I, 1ère partie, chap. I : « La marchandise », 3 : La forme de la valeur ou la valeur d’échange).

Pour Aristote, les différents « travaux » et les « articles » qui sont mis en jeu lors de transactions sont « tout autres et non égaux ». Il n’y a rien dans l’absolu – par nature ou par principe – qui justifie leur « égalisation », égalisation que réalise pourtant l’échange, leur va-et-vient entre acheteurs et vendeurs (et, sur ce point, Aristote a raison contre Marx au regard des caractéristiques de la société antique où il vivait : au sein de cette dernière, il n’y avait aucun « secret » de la valeur à déchiffrer autre que l’absence de réalité substantielle de la valeur, ce qu’il énonce explicitement). Le philosophe grec relie la « valeur » des articles impliqués dans un échange, une transaction quelconque à la chreia, habituellement traduite par « usage » ou « besoin ». Mais ce « besoin » ou « usage » ne correspond pas à la conception qu’en a l’économie politique classique (les besoins de consommation et les valeurs d’usage qui y répondent), ni à celle qu’en propose Marx.

2) La valeur n’est pas une substance

Dans la pensée de Marx, le besoin est défini sur une base individuelle (« À chacun selon ses besoins », chaque individu étant juge de ce qui contribue à sa satisfaction). Le besoin renvoie – non pas expressément, mais de facto (c’est-à-dire conformément à ce que sous-tendent ou impliquent ses analyses de l’auteur) – à une physis transhistorique, une « naturalité » méta-sociale (l’individu a de « vrais » besoins qu’il connaît, et il y répond en vue d’assurer son épanouissement comme être humain).

La chreia est autre chose, en ce sens qu’elle fait référence à ce qui « tient la cité ensemble » (« é panta sanechei »). Elle est nomos, convention, institution sociale, norme instaurée par la collectivité pour son bien vivre, et non une caractéristique individuelle spontanée, une propriété inhérente à l’être singulier et d’emblée clairement définie. Quant à la « valeur d’usage », elle n’est pas davantage une propriété autonome des objets, une qualité intrinsèque qu’ils posséderaient par essence. Elle est une dimension que l’on associe ordinairement au produit fabriqué ou échangé, mais qui n’est en fait que l’expression d’un jeu de relations porté par un contexte social et historique donné. Ce que l’économie dénomme « valeur d’usage » repose, chez Aristote, sur la bonne appréciation de la chreia, les articles/produits devant être égalisés « suffisamment quant au besoin/usage » (« pros tén chreian ikanós »). Et cette appréciation est fondée sur l’exercice de la phronésis, la sagesse grecque.

Il paraît donc difficile de soutenir qu’Aristote fonde la valeur de façon « substantielle », qu’il voit dans la valeur une « substance » puisqu’elle est manifestement chez lui convention, qu’elle n’est pas stabilisée dans une essence. Bref, si Marx estime que cette essence/substance est le travail humain, Aristote, lui, n’y croit pas ; il ne fait pas ce postulat métaphysique (et, encore une fois, il n’a pas à le faire). Certes, le plus souvent, la pensée d’Aristote adhère largement, comme toute la culture occidentale, à une métaphysique des essences, à une « ontologie » au sens étroit du terme. Mais, sur le point particulier ici évoqué, elle fournit assez d’indices qui déstabilisent cette approche.

3) Le propos n’est pas fondamentalement économique

Avec Marx, l’aspiration à formuler une critique de l’économie a dérivé vers l’élaboration d’une économie politique critique, bornés par des concepts indépassables (besoins, travail, production, valeur, consommation…) et de facto transhistoricisés et transculturalisés dans l’analyse, quand bien même ils sont partiellement redéfinis.

À l’inverse, on peut estimer que, pour sa part, Aristote ne cherche pas, à strictement parler, à bâtir une théorie économique, mais, conformément à la tradition intellectuelle grecque, à livrer une réflexion politique. Il s’intéresse à la manière dont s’organise la cité, à ce qui la tient ensemble et la fait vivre dans une relative cohérence et harmonie, alors même que les objet, activités et personnes sont fondamentalement incommensurables, et donc qu’aucun calcul de valeur ne peut justifier cette cohérence. Autrement dit, quel est le nomos, l’institution historique, la « loi sociale » qui permet à une collectivité de faire société, qui égalise ce qui est, essentiellement, « tout autre et non égal » ? La « vérité » de la Grèce antique d’Aristote n’était pas « économique » (et, en particulier, elle ne connaissait pas la « substance travail », qui ne s’affirmera pleinement comme signification opérante qu’avec l’avènement du régime capitaliste). L’« économique » n’est qu’un aspect dérivé de la « science ou pouvoir faire » (épistémè é dunamis) beaucoup plus fondamentale et englobante qu’est la politique, articulée autour d’un telos voulu pour lui-même : le bien et le bien suprême.

Bruno Mallard


❀ D. TEMPLE dit :

Pour en revenir à la citation :

« C’est à Aristote que l’on pourrait attribuer l’idée de fonder l’économie “de façon substantielle” sur le travail concret, la valeur sur la valeur d’usage […]. C’est dans le produit du travail que se trouve la valeur. »

Vous m’accorderez que c’est à condition d’oublier la réserve ajoutée sur le terme « substantiel » :

« Substantive donc si l’on appelle substance la valeur éthique de l’action humaine, et non pas la fonction d’utilité d’un objet. L’objet est indissociable du travail qui lui confère une destination sociale »

et que le terme de valeur s’entendait au sens aristotélicien (arétè)… que la phrase que vous citez peut-être équivoque.

De même sur la notion de valeur d’usage :

Qu’entendre en effet par valeur d’usage ? Celle-ci serait-elle seulement l’utilité telle qu’elle est définie aujourd’hui, ou est-ce pour Aristote autre chose ?…

Ces réserves appellent les développements que vous avez donnés à cet article et auxquels je souscris.

Il me semble que la divergence s’il y en une ne concerne que l’idée que l’économie construite sur l’échange (l’économie actuelle donc) serait dans l’Antiquité grecque encastrée dans des relations plus vastes de nature politique. Cette perspective oblige à distinguer deux structures de base distinctes par leur finalité : la réciprocité dont la finalité serait l’éthique, et l’échange dont la finalité serait la production/consommation des biens matériels. Marcel Mauss soutenait cette thèse… mais ne peut-on aller plus loin ?

En résumant les diverses propositions d’Aristote, de la Politique et de l’Éthique, on pourrait dire qu’Aristote connaît l’économie d’échange dont il précise les catégories : l’intérêt, l’accumulation, la propriété privée, le profit, la spéculation, le monopole. Il appelle l’économie que nous qualifions de capitaliste : l’accumulation sans fin, la chrématistique. Mais il ignore la séparation de la plus-value du travail de la force de travail, et la réduction de celle-ci en valeur d’échange. Il dit que la valeur (arétè) est incommensurable car pour lui le travail est œuvre d’art ou d’amour. Mais tout produit du travail n’en est pas moins une œuvre commune quand le travail est accompli dans une relation de réciprocité, de sorte que l’œuvre reçoit une même valeur ou une valeur égale pour chacun de ses protagonistes (de celui qui offre comme de celui qui reçoit). La réciprocité établit la commune référence du travail des uns et du travail des autres dont la dimension éthique est son arétè : la traduction de l’arétè dans la production des biens devient la justice, et dans les choses le prix juste. Dans le face-à-face, pas besoin d’équivalent, dans le partage et la communion, non plus, mais dans la réciprocité généralisée du marché comme dans la redistribution, une référence commune, la monnaie, reflète la justice dans la répartition des biens. Le salaire l’azia est le témoignage de l’entente autour d’une commune rétribution du travail de chacun en équivalent universel (la monnaie) : ce n’est pas le travail réduit à la force de travail qui est ici considéré comme la mesure d’une valeur d’échange qui n’existe pas, mais le travail lorsqu’il est inscrit dans la réciprocité, c’est-à-dire ordonné aux besoins de tous ; et l’équivalent de réciprocité procède non pas du travail pour l’échange, mais du travail pour la réciprocité : Si l’on emboîte l’économie telle qu’on la conçoit aujourd’hui (mais cette économie qui se fonde sur la chrématistique serait condamnée sans appel par Aristote) dans un autre système plus large qui serait celui de la réciprocité productrice de l’éthique, cela revient à encastrer l’économie d’échange directement dans une éthique : c’est le projet actuel parce que la chrématistique fait faillite. Cette option est quand même le signe positif que “le bateau coule et qu’on met les chaloupes à la mer”, mais le recours adressé à la bonne conscience ne résout rien (il y a d’ailleurs autant de bonnes consciences que de prétendants au pouvoir de dominer qu’assure l’économique capitaliste, ce qui entraîne des luttes redoutables, chacun dénonçant l’autre comme le mal).

La réciprocité formelle dans le corset de laquelle on prétend enfermer les échanges libres peut devenir aussi étroit que l’on veut (J. Rawls), l’échange peut même être rendu aussi égal que possible par la règle de réciprocité (Lévi-Strauss), l’échange n’en devient pas pour autant la matrice d’une valeur éthique. Il peut cependant se justifier d’un choix éthique lorsqu’il délivre des aliénations de la réciprocité inégale et de ses imaginaires, l’honneur et le prestige, rôle qu’il tint au cours de l’histoire, et pas seulement pour satisfaire des appétits égoïstes et sectaires, rôle qu’il joue plutôt aujourd’hui. La réciprocité réelle est une autre solution : dans ce cas, la réciprocité formelle conduit à la reproduction de la réciprocité réelle. Cette réciprocité est ce que nous avons proposé d’appeler la réciprocité symétrique qui donne à toute prestation sa dimension éthique. Cette réciprocité libère des imaginaires particuliers de la réciprocité positive (le prestige), comme de la réciprocité négative (l’honneur), mais aussi de l’égoïsme de l’échange et des peurs et des intérêts qui justifient le recours à l’échange.

Serait-ce la fin de l’économie, de l’“économie” que l’on écrit souvent avec des guillemets, ces guillemets qui disent l’économie d’échange, et si l’on se reporte aux temps d’Aristote, de la chrématistique ? En dénonçant la chrématistique, Aristote dénonçait-il toute économie ? Dans les relations de réciprocité qui embrassent les activités humaines depuis les prestations totales de l’origine, chaque activité poursuit sa fin propre qui lui confère sa valeur spécifique. Il faut reconnaître à l’art du médecin une spécificité qui le distingue de l’art de l’architecte, et à l’art de gérer les biens nécessaires à la communauté, une finalité qui définit le sens de l’oikonomia comme économie humaine. Lorsque les oikos se fédèrent pour former une cité, cet art devient l’art de gérer la production et la redistribution des biens entre les membres de la cité. Dès lors, n’existe-t-il pas un art de l’économie de la cité, l’économie politique, qui à la différence de la chrématistique est tout entier sous l’égide de la juste mesure au lieu de l’être sous celle de l’accumulation du pouvoir ? Ne peut-on reconnaître cette économie comme distincte de l’économie de libre-échange qu’Aristote condamne ?

Il précise que le commerce et l’échange peuvent servir de démultiplicateur aux prestations de réciprocité (Platon déjà disait cela), et il distingue ce commerce d’échange au service de la réciprocité du même commerce qui se met au service de l’accumulation. La traduction de Pierre Pellegrin (Aristote, Les politiques, Flammarion, 1993) a éclairé une difficulté qui intéresse cette question. Pellegrin a remarqué que l’interprétation selon laquelle le petit commerce (kapélikè) était la base de la chrématistique par opposition à la mise en commun qui caractérisait l’oikonomia était maladroite, de même celle qui distinguait une bonne chrématistique au service de l’oikonomia, et une mauvaise au service de l’accumulation sans fin ni raison. Sa traduction fait ressortir qu’il y a bien une production des biens au service de l’oikos (ktétikè) et que la chrématistique est le détournement de la production au bénéfice de l’égoïsme. Elle précise surtout que le petit commerce est d’abord un service rendu à la circulation des biens dont la valeur est établie dans le cadre des relations de réciprocité avant que d’être dévoyé par le libre-échange dans le but d’accumuler de la richesse. Voilà qui renforcerait l’idée que l’économie d’échange peut être enchâssée dans la réciprocité et qui étayerait le choix de réserver à cette économie d’échange le nom d’économie en laissant à la réciprocité le seul domaine du droit. Il faudrait alors appeler “politiques” les prestations générales qui intéressent la réciprocité et dans lesquelles s’inscrirait l’économie. Sans doute cette perspective peut-elle être envisagée comme le montre une thèse que nous n’avons lue que récemment (Arnaud Berthoud, Essais de philosophie économique, Villeneuve d’Ascq. Presses Universitaires du Septentrion, 2002). Mais est-il possible de séparer dans la réciprocité la dimension éthique de la dimension matérielle ? La philia n’est pas un sentiment évaporé. Et nulle part au monde on ne recevrait son hôte ou son ami sans lui offrir à boire ! Il est évident que la réciprocité motive la production de biens matériels nécessaires pour engendrer et exprimer la valeur éthique.

Il me semble qu’Aristote ne fait pas seulement de la valeur de justice un cas particulier de la valeur, car il considère la justice comme la seule capable de révéler la source de toutes les valeurs éthiques. La justice ne peut se constituer sans le recours à autrui et repose sur une quantité mesurable : l’égalité des biens (le partage) alors que ce n’est pas vrai des autres valeurs (comme le courage, etc.). Aussi reprend-t-il à son compte un vieux proverbe grec (“La justice est la mère de toutes les valeurs”), mais il l’explicite : la réciprocité mesurée par l’égalité des biens se traduit par une “bonne distance” entre les protagonistes, principe d’équilibre des relations humaines pour toute valeur (de l’“isotes” on passe à la “mesotes”). C’est donc à partir de l’économie que l’on peut construire le politique, car la prestation fondamentale qui sert de référence pour instituer l’objectif de la médiété, (le juste milieu) en toutes circonstances, c’est le principe de l’égalité dans la répartition des biens auquel contraint de se référer la réciprocité économique.

Dès lors, l’économie est ordonnée aux besoins de tous en évitant de définir les biens de tous comme la somme des besoins des individus égoïstes pour ne pas retomber dans l’ornière de la chrématistique : “de tous” signifie donc les valeurs humaines communes à tous et à chacun. L’économie politique devient le moyen de définir et produire les conditions les meilleures pour que chacun puisse déployer ses compétences vis-à-vis d’autrui : l’architecte, le médecin… Le politique en serait-il dévalorisé ou sans objet ? Bien au contraire. Il me semble qu’il lui appartient de définir la territorialité propre à chacune des structures de réciprocité matrice d’une valeur spécifique, de définir leurs interfaces et de rendre compatibles les différents systèmes de réciprocité possibles, enfin d’offrir le choix entre divers systèmes de réciprocité à tous (n’aurait-ce pas été l’un des buts du Traité des Constitutions d’Aristote, malheureusement perdu ?).

De même qu’à partir de quelques lettres on peut construire des discours sans fin ou qu’à partir de quelques atomes des organismes vivants, à partir des structures fondamentales de réciprocité il est possible de construire des systèmes de réciprocité dont le politique ne prendra sans doute jamais toute la mesure : il en restera pour l’histoire ! Mais au moins il lui sera possible de comprendre comment apparaissent des incompatibilités entre les peuples, d’éviter ou d’arrêter la guerre, et de lutter préventivement contre le malheur.

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